Revue du Lyonnais » série 3 - n°15 ( 1873 ) » pp.375

                              DE hX VÉRITÉ.                     375-

 !a justice, se contente d'une apparence de la vérité et n'en soit
 elle-même qu'une image, une fiction quand elle n'est pas,
 exceptionnellement, le mensonge ; car les réhabilitations, heu-
 reusement rares, qui obvient à ce mensonge, le prouvent.
    Poursuivons :
    On me reporte en Judée pour trancher sur des faits fort déli-
 cats qui s'accomplirent ou ne s'accomplirent pas, il y a deux
 mille ans, et moi je voudrais une- histoire vraie du règne de
 Louis-Philippe qui régnait encore il y a vingt-cinq ans. Je
 voudrais une histoire vraie de la révolution de 1848 plus près
 de nous ; où les trouver ? Je connais là-dessus cinq histoires qui
 se contredisent, se réfutent et se traitent réciproquement d'im-
posture. Où est donc le vrai?
   Nous faisons en ce moment des enquêtes politiques sur ce
qui est tout chaud, sur ce qui fume encore, sur ce que vingt mille
personnes ont vu et sur ce que vingt mille contestent ; com-
ment y voir clair ?
   La calomnie est un clou qui entre tout naturellement par sa
pointe, l'esprit s'ouvre pour la recevoir ; mais la vérité est un
clou renversé que l'on veut faire entrer par sa tête, l'esprit se
ferme pour la repousser.
   Nos sophistes modernes disent qu'il ne faut pas juger des
croyances religieuses par leur utilité ; cela prouve au moins que
cette utilité les gène, et je serais tenté de m'arrêter là, car qu'y
a-t-il de plus précieux que l'utilité d'une croyance ?
   Les croyances importent peu, disent nos sophistes, attachons-
nous aux faits qui les firent naître. Jésus-Christ est-il Dieu ?
c'est un problème à part, c'est un problème spécial, distinct,
qu'il faut juger en soi. Que nous importe qu'il soit utile d'appeler
Dieu Jésus-Christ Y Vérifions s'il l'est : Tel est le langage des
sophistes. — Je réponds que la vérification qu'ils demandent est
devenue impossible et qu'ils ne la demandent que parce
qu'ils la croient impossible ; je réponds qu'ils savent parfaite-
ment que tous les éléments de contrôle ont péri (1), et qu'il faut

  (1) Les principaux du moins ; les témoins des faits.