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                    J1SAN-PIERRE BRUYÈRE.                  293

 pureté. Du reste grave, austère dans sa richesse, maroquin
 rouge, tranche dorée, le volume révélait un artiste con-
 sommé ; il eut le plus grand succès et la Préfecture, digne
 appréciatrice, ajouta ses remerciments et ses félicitations
 à la rémunération du célèbre ouvrier.
   Mais voyez la contradiction, quand il fallut présenter le
 splendide volume aux Tuileries, on jugea inopportun d'an-
noncer que ce magnifique vêtement sortait d'un atelier de
 province ; le nom de Bruyère ne fut pas prononcé, et si la
reliure fut admirée,' l'habile artiste à qui on la devait, n'en
reçut d'en haut aucune récompense.
   L'antique place des Jacobins devait être démolie, trans-
figurée, pour devenir l'élégante place de l'Impératrice,
aujourd'hui elle a repris son nom ; la maison qu'habitait
Bruyère devait tomber sous le marteau ; non sans regrets
notre artiste quitta le modeste logement où il avait été
visité par le bonheur et par la gloire ; il descendit ses
quatre étages et prit, en 1861, un appartement dans une
des plus belles positions de Lyon, à l'entrée de la place
Montazet, aujourd'hui devenue le beau cours de l'Arche-
vêché. Il avait élevé une nombreuse famille, gardé j u s -
qu'à l'extrême vieillesse et entouré des plus tendres
soins un père et une mère vénérés ; sa tâche était rem-
plie. Entouré de l'estime de ses compatriotes, connu
désormais au loin, riche de cette modeste médiocrité qui
suffisait à ses besoins, Bruyère voulut à son tour goûter
un peu de repos. Sans quitter ses travaux, il se donna le
plaisir, cher à tous les citoyens, d'avoir sa villa. Il loua
une petite campagne à Saint-Irénée, aux portes de Lyon,
et désormais moitié travailleur, moitié rentier, il partagea
ses journées entre cet atelier si connu et la petite maison
où son goût élégant et pur se faisait sentir partout. Plus
libre, dès-lors, on le rencontrait dans nos rues, pro-
menant sa figure intelligente, fine et railleuse au milieu
de la foule , causant avec quelques amis de son art si
aimé ou des événements si assombris, et, bon citoyen,