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503 des siècles dont nous venions soulever les voiles nébu- leuses ? Un vieillard de ces côtes nous narra qu'il demeurait tour- à -tour dans ces deux ruines , qui avaient dépendu du même maître -, qu'il couchait chaque n u i t , tantôt dans l'une , tantôt dans l ' a u t r e , vivant ainsi des aumônes des passants et des villageois ; qu'on ignorait son nom , son pays et sa famille ; qu'il était probablement sourd-muet de naissance , et que sa jalousie était extrême contre les étrangers , de peur qu'ils ne s'emparassent de ses masures sépulcrales où il avait appris le sifflement des reptiles et le cri des chouettes nocturnes 5 seule langue à laquelle il répondit. Alors je me souvins du rapsode., et je retrouvai une analo- gie secrète entre ces devis parias de la p o p u l a c e , dont, l'un obtient le rire , et l'autre la pitié. Je crus comprendre les rail- leries amères du p r e m i e r , les sifflements jaloux du second. J'entrevis les mystiques aimants qui rattachaient ensemble ces deux natures primitives , comme ces ruisseaux dont la source s'est tarie à notre vue , mais qui s'y nourrissent encore par des filtrations souterraines. Dites-moi, ce gardien farouche des ruines qu'il protège contre la dévastation cupide des h o m m e s , cet orphelin, grandi parmi la mousse et le lierre , comme un lierre ou une branche de ces parois vermoulus , ne vivant que d'une vie i n t é r i e u r e , inexprimée, avec les tombes où il se c o u c h e , sur lesquelles pleure sa raison égarée , ne touche-t-il pas , en bien des points, à mon aventurier toscan , au rapsode, banni de sa terre natale , désormais insensible à ses rhytmes divins qu'il emporte sur la terre d'exil, comme les tribus indiennes, emportant les ossements de leurs p è r e s . Ici la poésie du christianisme ; l à , la chevalerie, poésie non moins parlante de la religion de Jésus. — Le moyen-âge devenu m u e t ; - l e rapsode devenu paillasse.—Deux ruines \ — Deux funérailles ! Fou et rapsode, qu'importe ! on vous oublie. Le présent