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tenait de poésie et i d'élévation pour ne point le croire cou-
pable de ce fait en intention. J'admets donc que le vague
de notre appréciation provient, non de sa volonté de causer
notre erreur, mais seulement de l'impuissance de nos or-
ganes , inhabiles à juger des espaces extraordinaires.
   Un des plus grands malheurs que les artistes aient à éprou-
ver dans leurs œuvres, c'est, je ne dirai pas la critique,
mais l'explication du premier venu, explication presque tou-
jours fausse , ingrate, tronquée, basée sur des idées bizarres,
souvent sur des erreurs ; d'après laquelle se forment quel-
quefois des réputations malheureusement peu méritées, et
qui prennent d'autant plus vite et plus profondément crédit
dans le monde , que, sur les cent trompettes qui composent
l'orchestre de la Renommée, quatre-vingt-dix-neuf au moins
partent de la bouche des ignorants ; une et pas toujours une
reste dans les mains du critique éclairé ; mais , quelques
beaux, quelques purs que soient les sons qu'il en tire , com-
ment voulez-vous espérer qu'on lui rende justice au milieu
du charivari horripilant de la masse. Il dit de son mieux,
il proteste, il jure, pendant que l'artiste désolé s'arrache
les cheveux et pleure sur un feuilleton de journal. Mais re-
 prends courage et renoue ta ceinture , ô artiste , car le fier
 Michel-Ange lui-même pardonnerait toutes les innocentes
 calomnies de ce bon peuple qu'on appelle touristes, et Ra-
 phaël ne saurait que sourire aux lazzis de ces trente-deux
 millions d'habitants, collectivement nommés le peuple le
 plus éclairé de la terre. Cesse de te plaindre , après
 qu'un voyageur, le plus célèbre et le plus fécond d'entre les
 touristes qui publièrent leurs courses comme itinéraires à
 suivre , et je le nommerais bien plus volontiers s'il était vi-
 vant, après que Simond enfin a répandu sur Sanzio et le di-
 vin Buonarotti tant de fiel et de boue.
   Cesse de te plaindre, car ils nous ont dit vingt fois, et
 nous l'avions cru peut-être, que le chef-d'œuvre de l'archi-
 tecture était Saint-Pierre , parce que la science de sa dispo-