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91 ment peux tu admirer de stupides sanctuaires qu'on a bâtis de ton argent, par tes b r a s , sans ton consentement, et dont on te défendra l'entrée si tu n'as un habit sur le dos ! Un homme a conçu l'idée et l'exécute : ses amis la portent aux nues; le peuple passe l à , s'arrête d'abord, puis admire, de bonne foi, sans façon, probablement parce qu'il suppose que tant d'argent, de soins, de matériaux, ne sauraient avoir été prodigués à t o r t , sans raison, sans goût, contrairement aux besoins de l'époque et de la spécialité ; car le peuple ne saurait prétendre à se connaître aux détails ; les mots tech- niques sont pour lui de l'bébreux, et les choses qu'ils repré- sentent des arguties vides de sens. Mais l'auteur du chef-d'œuvre était là ., qui épiait les p r o - meneurs, sourd aux sarcasmes, tout oreilles aux compli- ments ; et pourtant que de majestueuses absurdités n'est-il pas forcé d'endurer! que de fois n'a-t-il pas senti bouillonner dans sa tête le ne sutor ultra crepidam ! Il s'en va néanmoins quand il a recueilli assez ample collection de marques de sympathie, et il rentre chez lui en se frottant les m a i n s , le visage épanoui, la démarche assurée. Abordez-le alors, il vous dira fièrement : « En conscience, mon cher, l'architecture a n t i q u e , grecque et romaine est la seule qui puisse couyenir aux exigeances de notre époque (1836)! il y a unanimité sur les mérites de ma construction ; ce genre est décidément national et rendra m o n nom populaire à tout jamais. » National! populaire ! grands dieux! cet à -plomp ne fait-il pas frémir? Quel supplice l'ange du bon goût infligera-t-il au jour suprême à ces vanités dédaigneuses? Encore un exemple , il est récent. Walter Scott, l'immortel peintre de quelques époques choi- sies , et des passions et des sentiments qui sont de toutes les é p o q u e s , Walter Scott se meurt. Sa ville natale, très-recon- naissante au grand romancier, veut lui ériger un monument digne de lui. Yîte des souscriptions, des dons gratuits, des