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             LE DERNIER ROMAN DE M. DAUDET                       331
maintenant la profondeur du moraliste, la maturité, l'impassibilité
du penseur. A ce prix, son inspiration, se bornant moins à de
certains horizons, s'élèvera plus haut. Elle nous payera l'œuvre
maîtresse qu'elle nous doit. Assez de tambourinaires, assez deRou-
mestan, assez de Tartarin. M. Daudet a été comparé à son héros;
un cher confrère a insinué que Paris lui avait appris le scepticisme.
Paris sceptique est un cliché que M. Sarcey ne rate jamais lorsque,
par dessous ses lunettes, il guigne un auditoire de sou gros Å“il
malin. Paris croit, ne fût-ce qu'au succès et à l'argent. M. Daudet
doit croire à un talent qui lui a permis d'écrire tant de pages re -
marquables. Non, l'auteur de Roumestan n'est pas Roumestan.
Ce Paris qui le couronne, il l'a conquis par le travail, la persévé-
rance, la sympathie avisée, qualité dont Numa est radicalement
dépourvu. Qu'il ne cesse pas de remplir son petit cahier d'obser-
vations et de faits; mais qu'un idéal vraiment philosophique, vrai-
ment supérieur, préside au triage, à l'agencement de. ces pierres
littéraires. Tout n'est pas sain dans l'idole qui pose devant lui. Il
y a des tares à côté de muscles valides, des gibbosités à côté des
lignes sculpturales. Qu'il reproduise ces tares, qu'il accuse ces
gibbosités; et, après les fioritures d'un ciseau exercé, nous applau-
dirons la recherche d'un génie impartial, le témoignage et l'arrêt
d'une conscience.


                                         PAUL    VIGNET.