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328                 LA R E V U E LYONNAISE
tuyau d'un flûtet ! Après ce coup de tête, il ne reste plus qu'à:
mourir. M. Daudet l'a compris ; aussi a-t-il envoyé à son héroïne-
une bonne maladie qui la sauve des suites d'un roman, imprudent-
à commencer, difficile à dénouer, pour elle et aussi pour l'auteur.
    Saluons en passant les personnages secondaires : Valmajour,
Àudiberte, Cardaillac, Bachellery. Le romancier a dû les obser-
ver dans leur milieu, vivre en quelque sorte avec eux. Valma-
jour est beau de virtuosité, de fatuité. Audiberte a le front bas,
l'oeil ardent de la paysanne ambitieuse. Cardaillac doit poisser ses1
coudes aux tables du boulevard, et; si nous nous le représentons
 difficilement sanglé de la cravate blanche, nous accordons sans
 difficulté que l'imprésario a dû faillir quelque part, à la Gaité ou
 au Théâtre des Nations. La petite Bachellery est nature. Elle
 dut s'esclaffer en apprenant qu'elle avait débuté sur la scène de
 M. Vaucorbeil; mais, croyez-le, elle a conquis une jolie position à;
 la Renaissance. Un imbécile, successeur de Roumestan, lui a bâti
 un nid qu'il n'est pas seul à partager. Dieu, qui donne la pâture
 aux moineaux, jette aux ;drôlesses un gras gibier à dépecer, et
 c'est justice, car il faut que tout le monde vive. D'ailleurs, Numa
 doit s'applaudir d'en être quitte à bon compte. Être bafoué par une
 grue comme par la majorité de son entourage, l'incident rentre
 dans ses habitudes. Monsieur le ministre, son confrère, laissa
 entre les doigts d'une sirène une poignée de plumes bien plus
  considérable.
     A ce propos, rapprocherai-je le sujet de M. Claretie du sujet de
  M. Daudet?Ils ne sont pas sans analogie. Le modèle de M. Clare-
  tie est un provincial qui s'emballe, un naïf qui ouvre des yeux de
  soucoupe devant les arcanes de l'Opéra, une nature comprimée
  qui éclate pour une coquine qui en vaut la peine. Comédie finissant
  en drame, histoire dont les ressorts vécus, observés, font le plus
  grand honneur à l'écrivain. Roumestan est avant tout un fantai-
  siste ; son histoire a un heurté, un décousu, qui séduit moins que
  le développement normal d'un caractère. Pour qui n'est pas initié
  à l'existence provençale, Monsieur le minisire semble plus, au-
  thentique, vrai d'une vérité plus évidente, plus générale. Est-ce
  à dire que Numa soit faux? En dehors des sphères gouvernemen-
  tales, Numa existe. Mais, suivant l'expression populaire, c'est un