Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
              LE DERNIER ROMAN DE M. DAUDET                             323
spectacle réjouissant. Mettre aux prises le nord et le midi, le verbe
haut des Bouches-du-Rhône et l'ironie gouailleuse de la Seine ;
idée neuve, féconde, dont un homme comme M. Daudet va tirer
un parti merveilleux. La province sortant de son obscurité obliga-
toire, produisant au grand jour son orgueil de clocher, ses mœurs
antédiluviennes, ses pata-qu'est-ce de manières, d'idées, de lan-
gage, quels croquis pour un Gham, pour un Rertall sachant écrire !
Le Latin marchant à la conquête de la Gaule, l'expédition n'aurait
rien d'invraisemblable pour qui connaît l'aplomb du méridional
prenant à Carpentras le train de la célébrité. Que si votre héros
triomphe, ce qui n'est pas impossible, car un provincial peut avoir
du talent, vous, son historien, vous nous expliquerez le pourquoi
de sa victoire ; vous nous démontrerez comment, par sa ténacité, sa
persévérance, l'ascendant de sa valeur, il a pu imposer sa personne
et ses ridicules, son accent et son étrangeté au plus difficile, au
plus réfractaire des milieux. Car i l y a u r a l u t t e nécessaire, impla-
cable, et les péripéties de cette lutte seront les péripéties de votre
étude elle-même.
   Que nous présente M. Daudet? Un bon gros garçon faible, vani-
teux, paresseux, fier d'une faconde insupportable. Né pour fabri-
quer du vin cuit dans un mas de la Camargue, Roumestan est
bombardé ministre de l'instruction publique. Hasard parlementaire,
soit; vu le temps où nous avons le bonheur de vivre, ce hasard
peut jusqu'à un certain point paraître vraisemblable. Mais comment
expliquer la «veine » constante d'un individu qui n'est ni un génie,
ni un talent réel ? Suffit-il de sortir de Cavaillon pour vaincre, pour
se gaver jusqu'à plus faim de l'as-sielte au beurre? Est-ce là le po-
sitif, le vécu, l'observé ? On a dit que cette caricature était un
portrait; allégation démentie, car aucun député ne rappelait de
près ou de loin un personnage aussi fantastique. Docteur, notre
méridional entre chez Sagnier, prononcez Berryer, et n'y fait rien
qui vaille. Ce stage féroce de l'ambitieux à Paris lui est capitonné
par Malmus,un cafetier, un Lyonnais, qui juge avantageux de
meubler à son client un logement de garçon, pour rentrer dans le
déboursé de ses bocks et de ses absinthes. Si le bonhomme vit en-
core, je supplie M. Daudet de vouloir bien me recc mmander à ce
phénomène de la limonade. Qu'il m'indique aussi la Source et la