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208 LA REVUE LYONNAISE
tout n'exigeant que des choses solides et parfaites, et mâchonnant
son éternel bout de cigare avec la même tranquillité d'esprit qu'un
négociant qui, retiré à la campagne, contemple ses choux pousser.
Quel contraste ave^ Poncet, agité, en fièvre, se rongeant toujours
les ongles !
Ce Benoit était architecte jusque dans les moelles, quoique man-
quant un peu de personnalité dans ce qu'il faisait. Il avait trop de
critique pour être fortement original. Mais avec lui chaque maison
eût été un monument. Il est vrai qu'il eût demandé quinze ans pour
ouvrir la rue; il était de ceux qui n'ont aucun goût pour les son-
nets faits en un quart d'heure.
•
Savoye.âVeû une exécution non moins soignée, mais plus adroi-
te, plus ingénieuse, Savoye eût fait quelque chose de moins ample,
de moins beau, déplus en rapport avec les conditions d'une entre-
prise d'argent. Il eût,, par exemple, tout voulu diriger lui-même.
C'est la marque des esprits vigoureux, profondément personnels,
de ne rien abandonner à autrui. Pour le surplus, encore qu'il eût
déployé une grande activité dans le percement de la rue Centrale,
il ne pouvait, sous ce rapport, approcher de Poncet. Puis il y fût
allé avec beaucoup plus de circonspection, partant plus de temps.
Somme, je tiens qne Poncet était à Lyon le seul capable d'enlever
l'affaire comme elle a été enlevée. C'est peut-être le malheur de ces
sortes d'entreprises, que la rapidité y soit tout. La moindre retard
fait chiffrer par sommes énormes les intérêts perdus, sans compter
que les villes sont pressées : on a des engagements, des délais
fixés, des cautionnements, des indemnités parfois monstrueuses, et
M.Taïsse n'était pas commode. Nos pères,pour exprimer la rapidité
avec laquelle s'est construite la rue Impériale, auraient dit qu'elle
s'était faite « à la Jacquard ». Nous pouvons, suivant la mode de
notre temps, dire qu'elle s'est faite « à la vapeur ». Lapreuve qu'on
en fut enchanté, c'eât que toutes les villes se disputèrent Poncet.
PCITSPELU.
(A continuer.)