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                  LE MARIAGE DE SÉVERINE                           175
ce qui me restait. Vous savez que j'ai eu le triste bonheur de rece-
voir sur le champ de bataille le dernier soupir du général. Il eut le
temps de me dire que je trouverais une lettre très importante à mon
adresse, dans le tiroir de son bureau. « Fais ce que ton cœur te
conseillera, continua-t-il, je le connais, je me fie à lui ». Ce furent
ses dernières paroles... De retour à Paris, mon premier soin fut de
chercher cette lettre. Je la trouvai et la lus sans retard. La date
m'apprit que mon père l'avait écrite peu de jours avant son départ
pour cette fatale campagne ; je vais vous la montrer. »
  Et Maurice, ouvrant un carton qui renfermait ses papiers per-
sonnels, remit à Clotilde la lettre en question.
  Elle était ainsi conçue :

          « Mon bien cher enfant,
    « Si tu lis ces lignes, c'est que mon pressentiment ne m'aura pas
trompé, et que j'aurai.trouvé ma fin dans cette guerre. Reçois alors
tous mes adieux, toutes mes bénédictions, et crois que je t'aimais
bien, encore que je n'aie guère su te le montrer.
    « J'ai maintenant, mon fils, un aveu pénible à te faire. Ta mère,
une sainte, que j'aimais, que je respectais, m'a été enlevée en te
donnant le jour; c'est là la cause, sinon l'excuse, de la vie peu
exemplaire que j'ai menée depuis. Parmi toutes ces liaisons futiles
où j'ai cherché d'abord une distraction, et bientôt ensuite une sotte
satisfaction d'amour propre, j'ai une faute plus grave à me re-
procher. J'ai séduit une jeune femme que son isolement et l'hono-
rabilité de sa famille auraient dû me rendre sacrée, j'en eus une
fille que la pauvre mère fut contrainte, pour sa sûreté, d'éloigner
d'elle et de renoncer à voir; bientôt elle mourait, sans embrasser
une dernière fois l'innocente créature. Je pris soin de ma fille,
mon cher Maurice, de ta sœur, car j'espère que tu voudras bien lui
donner ce nom, et aujourd'hui je te lègue la pauvre orpheline. Je
ne te demande rien pour elle, je m'en rapporte à toi. Elle a été
élevée auprès de Melun, par une brave femme nommée MmeGher-
rault, chez laquelle elle est toujours. C'est là que tu la trouveras.
Elle porte le nom de Clémence Dubois, et passe pour la fille d'un
camarade à moi, tué jadis en Afrique, et qui m'aurait prié de lui
servir de tuteur. Je sais qu'elle ne peut être remise à des mains