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LE MARIAGE DE S É V E R I N E 93 surpris. Quoiqu'un des plus jeunes, c'est aujourd'hui peut-être le. meilleur de mes commis. Son zèle, son dévouement sont au-dessus de tout éloge. D'après tout cela, ma chère Clotilde, vous ne serez pas surprise que j'aie écouté avec bienveillance la proposition qui vient de m'être faite de lui donner ma fille. En état comme il est de me remplacer du jour au lendemain dans la direction si délicate de ma maison de banque, je le verrais volontiers devenir mon gen- dre. Sans doute il a peu de fortune, mais ce jeune homme laborieux et occupé me paraît bien préférable à ces oisifs élégants comme notre temps n'en produit que trop ; il compense ce qu'il peut y avoir d'écart entre sa situation et celle de Séverine par les ga • ranties que je trouve dans son esprit d'ordre, dans sa capacité que ma compétence en pareille matière me permet de déclarer remarquable. Son père d'ailleurs, qui n'est peut-être pas aussi ruiné qu'on veut bien le dire, a conservé malgré les événements un crédit et des relations non sans importance dans les affaires. — Et, fit Clotilde, quel pensez-vous que soit en tout cela l'avis de Séverine? — Je l'ignore absolument, dit avec un peu d'embarras le ban- quier qui soupçonnait plus qu'il ne voulait le paraître les vrais sentiments de sa fille pour Chauret, et je vous demandela permis- sion de remettre entre vos mains les intérêts de mon protégé. » Mme Evrard ne vit nul inconvénient à satisfaire M. Lefort. Cette commission même ne lui déplaisait pas; elle comptait la remplir avec la plus entière loyauté et se mettre ainsi à l'abri des reproches qui pourraient lui être adressés sur sa trop grande complaisance en faveur de Maurice. Pour elle, il était certain que Séverine aimait d'Artannes. Jusqu'à ce moment la jeune fille n'avait pas eu occa- sion de se prononcer, mais la démarche de Chauret pouvait avoir au moins l'avantage de précipiter les événements. « Ma chère amie, disait peu de jours après Clotilde à Séverine, quelle que soit l'amitié qui nous unisse, il est cependant certains sujets que je ne me permettrais pas d'aborder avec toi si je n'y étais invitée par qui de droit. C'est pour me rendre au désir de ton père que je te parle maintenant. Il n'avait sans doute nul besoin que je lui serve d'intermédiaire, mais il m'en a priée et je ne pouvais lui répondre par un refus, Ton père, tu le sais, brûle de te voir