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90 LÀ REVUE LYONNAISE « Que je lui fas; J faire un beau mariage, se disait-elle, et pour droit de courtage je serai remboursée. » Elle s'était donc mise en quête de l'héritière qui pouvait avoir l'ineffable avantage de payer les dettes de M. Ghauret père en de- venant Mme Ghauret fils ; mais la trouver n'était pas chose facile. Les belles fortunes se recherchent entre elles, et Fernand n'avait, sous le rapport du physique ou du mérite, rien qui pût engager une fille riche à lui donner la préférence. Heureusement M mo Lejarrois se souvint de MUe Lefort qui avait une grosse dot, qui était fille unique et qui vivait tellement isolée qu'on pouvait espérer, avec un peu d'adresse et de persévérance, la circonvenir au profit de F e r - nand. Elle fit part de ses projets à son candidat ; il s'y associa avec empressement. Le premier point était de gagner M. Lefort. Dans ce but elle alla lui dire qu'un jeune homme, fils du baron Ghauret qu'il connaissait un peu d'ailleurs, garçon capable et d'avenir, souhaitait vivement travailler dans ses bureaux sans aucune rémunération et seulement pour s'initier aux affaires. M. Lefort avait naturellement consenti et, pendant deux ans, Fernand Ghauret qui ne manquait ni d'éner- gie, ni de suite dans les idées, et qui ne perdait jamais de vue la dot de Séverine n'avait rien négligé pour captiver la bienveillance de son patron. Il avait pleinement réussi. Parfois cependant le temps lui semblait un peu long, mais Mme Lejarrois, qui avait ses raisons pour cela, le remontait. « Ayez patience, lui disait-elle, ne gâtez rien par trop de pré- cipitation, ne dérangez pas le temps qui travaille pour vous; il faut que M. Lefort en arrive à voir en vous le gendre idéal. Rien ne presse, aucune démarche sérieuse n'a été faite pour Séverine ; le jour où je croirai le moment venu d'agir, je vous préviendrai » Ce moment lui sembla absolument arrivé le lendemain du bal donné chez M. Lefort. L'émotion de Maurice auprès de Séverine, la sympathie non dissimulée que celle-ci lui témoignait, la quasi- intimité existant entre les deux jeunes gens, le trait-d'union qu'ils avaient dans Glotilde lui parurent autant d'obstacles à ses projets. Evidemment M. d'Àrtannes, qui n'avait jamais répondu à ses avances, qui la plupart du temps éludait ses invitations, aimait Séverine et possédait dans Mm0 Evrard un appui considérable. ]1