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82                   LA REVUE      LYONNAISE
force que je m'ennuie, et qui, ne sachant qu'inventer pour me
distraire, s'est laissé persuader par ma cousine de donner un bal;
vous êtes orfèvre, mademoiselle, aurait-il dû lui répondre. Quoi
qu'il en soit, vous viendrez; nous vous serons très reconnaissants
de vous voir manquer, en notre faveur, à la rigidité de vos princi-
pes; vous arriverez de bonne heure avec Clotilde, et si vous êtes
bien sage, je vous garde une valse. »
   C'est ainsi que Maurice pénétra pour la première fois dans l'hô-
tel de M. Lefor-t; il fut présenté par Mme Evrard au maître de la
maison qui le regarda à peine, commença une phrase banale et
courut au-devant d'autres invités. Il salua Séverine qui allait et
venait toute souriante, accueillant les jeunes filles et les faisant
asseoir.
    « Monsieur d'Artannes, lui dit-elle de sa voix la plus aimable
 mais d'un ton qui n'admettait pas de réplique, vous n'êtes pas ici
pour vous amuser, je vous en préviens; j'ai besoin de vous. »
    Et, sans autre préambule, elle le mit en réquisition pour faire
 danser quelques-unes de ces infortunées créatures que l'exiguité
 de leur dot ou le défaut de charmes condamne le plus souvent à
faire tapisserie.
    Après s'être exécuté de bonne grâce, il chercha Séverine, et la
 trouva entourée de plusieurs beaux messieurs à lui inconnus qui,
frisés, parfumés, mis de la façon la plus correcte, le carreau dans
l'œil et le gardénia à la boutonnière, sollicitaient en termes exquis
une valse, une polka, un quadrille. Cette vue lui causa une impres-
sion désagréable et il s'éloignait sans se mêler au groupe, quand la
jeune fille l'apercevant, vint à lui et lui dit :
   « Monsieur d'Artannes, je vous ai promis une valse, voulez-
vous celle-ci? »
   Il s'inclina et ne put s'empêcher, en enlaçant sa danseuse, de
jeter un regard de triomphe sur les jeunes gens en gilet à cœur; il
est toujours doux d'être préféré à autrui, ne fût-ce que pour une
valse, surtout quand c'est par une jeune et belle fille. Maurice tout
en valsant, fit cette réflexion accompagnée de quelques autres, ce
qui nuisit d'autant à la conversation qu'il est de bon goût d'avoir
en pareil cas. Il remarqua que Séverine, qu'il n'avait jamais vu
qu'en toilette du matin, avait une chute d'épaules des plus èlégan-