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20 LA REVUE LYONNAISE pouvait se terminer en huit jours. Puis à qui s'adresser? C'est à peine s'il connaissait le nom des personnes que voyait son père ; le général avait des relations de cercle ou de salon, mais pas d'amis. En aurait-il eu, qu'ils eussent été pour le moment dans l'impossi- bilité de prêter le moindre appui à Maurice. 11 commençait donc à se trouver aussi anxieux de l'avenir qu'on peut l'être à vingt- deux ans, quand le hasard lui fit rencontrer un de sescamarades de collège qui avait eu connaissance de ses pre- mières tentatives poétiques ; on causa. De quelques années plus âgé que Maurice, Gaston Evrard lui avait toujours témoigné une sincère affection; il fut réellement charmé de le revoir, et montra tant d'aimable empressement à s'en - quérir de sa situation et de ses projets que le jeune d'Artannes, malgré sa fierté, ne se sentit nul embarras à lui avouer l'état pré - caire dans lequel il se trouvait. Evrard l'écouta attentivement et, sans plus s'expliquer, lui marqua qu'il ne désespérait pas de pou- voir lui être agréable. Maurice ne vit dans ces paroles qu'une de ces offres banales de service que chacun se croit obligé de faire, et n'y attacha aucune importance ; aussi fut-il surpris quand peu de jours après, il reçut la visite de son ancien condisciple. Gaston Evrard venait lui propo- ser d'entrer a la rédaction d'un journal qui allait bientôt paraître et dont son père était un des principaux bailleurs de fonds, Il accepta avec empressement. Son non vel emploi n'était pas fort attrayant, mais il avait un mo- deste traitement assuré et, chose plus précieuse, il pouvait, affranchi de tout souci matériel, reprendre d'une manière suivie ses occupa- tions favoriles ; c'était tout ce qu'il demandait. Dévoré de l'ardeur de réussir et ayant en lui-même cette foi sans laquelle on n'arrive pas, il mit à profit sa nouvelle situation pour se créer quelques relations utiles parmi tout ce qui tient une plume à Paris. Après bien des efforts infructueux, bien des déboires, bien des échecs d'amour-propre, il eut la satisfaction de voir enfin la fortune lui sourire. Son premier recueil de poésies intitulé Cyprès et Lauriers eut un succès discret, mais de bon aloi et le mit en lu- mière. Maurice eut le mérite rare de ne pas se croire arrivé du premier