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                          LA R 0 S E
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   Cette ballade fort bien versifiée n'est pas cependant ce
qui me plaît le mieux dans la manière de M. Maurice
Richard. Je voudrais que cette ballade se liât plus intime-
ment à la pièce qu'elle précède. Pourquoi, par exemple,
le poète loue-t-il ses interprètes d'avoir découvert une
pépite dans le filon de sa mine ? d'avoir mis le feu aux
cotrets qu'il avait assemblés? Je sais bien qu'à la rigueur
on peut comparer des vers à des pierreries, à des diamants,
à des pépites enfin, qu'un habile diseur fait valoir en les
faisant en quelque sorte scintiller et resplendir, aussi cette
ballade conviendrait-elle à un volume de poésies. Mais une
pièce de théâtre n'est pas un recueil de vers. Elle est sur-
tout composée de personnages qui doivent parler, agir,
vivre sur la scène. C'est donc d'avoir bien incarné ses
héros, d'avoir fait vivre pendant quelques instants, d'une
vie bien réelle, ces êtres de pure imagination : Pierrot,
Polichinelle, Colombine, Arlequin, etc., que l'auteur aurait
dû louer ses interprètes. Sa ballade devrait, en un mot,
nous parler davantage des personnages de la pièce qu'elle
précède.
  Qu'il me suffise donc de citer de cette ballade le
couplet suivant qui m'a surtout plu :

          Ma Galathée attendait froide et nue
          Qu'on l'animât ! — Sortez, espoirs secrets,
          L'heure de vivre est pour elle venue,
          Une rougeur est déjà sur ses traits,
          Sa lèvre exhale un souffle jeune et frais.
          Le mythe ancien grâce à vous ressuscite,
          Par vous tiré hors de son humble gîte,
          Voici qu'enfin ô miracle ! voici
          Que sous vos doigts le marbre ému s'agite.
          De tout mon cœur, chers compagnons, merci.