page suivante »
482 LA PRÉCONISATION séculière (1). Les oreilles ne manquaient pas a recueillir et les bouches a propager l'avis officiel. En peu d'instants, toute la ville connaissait et commentait la nouvelle. Au jour annonce', le^ (ruands, les ribauds, les malingreux, les perclus, les béquillards, les aveugles, les manchots, les vagabonds, les faux blessés, les coquins, les marauds, les larronesses, formés en groupes étranges d'où sortaient des rires aigus, des paroles déshonnêtes, des chansons cyniques et des plaintes sinistres, se dirigaient vers le lieu de la distribution, non sans picorer dans les auvents et sur les bancs des marchands. C'était une avalanche de haillons et de guenilles portant la terreur, semant la vermine, insul- tant les bons bourgeois, coupant leurs bourses et déchirant leurs somptueux vêtements. Après les dernières prières et pendant l'œuvre suprême du fossoyeur, recouvrant le cercueil de la poussière terres • tre,l'exécuteur testamentaire accompagné des héritiers et du procureur des pauvres, assisté de ses serviteurs, procé- dait à la distribution ordonnée par le défunt. S'il s'agissait d'un don en argent, il plongeait sa main dans une aumônière remplie de piécettes dites blancs royaux, et remettait a cha- que membre de la troupe avide et désordonnée la somme qui lui revenait. Si l'aumône avait lieu en nature, les aides munis d'une mesure de capacité puisaient aux sacs ou aux tonneaux et versaient dans les récipients sordides que ten- daient des mains hâves et crasseuses. On avait beaucoup de peine a maintenir un semblant d'ordre dans cette cohue d'affamés et d'effrontés se pressant, se renversant pour arriver les premiers; les plus hardis et les plus vigoureux recevant deux ou trois fois aux dépens des faibles. Puis (1) Menèstrier, Histoire consulaire, page 364-