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162                   VICTOR DE LAPRABE

L'acier de son casque reflète de plus éclatants rayons ; l'or
de sa cuirasse n'a plus de taches ; la rouille disparait de
son écu qui brille comme une glace. Son cheval hennit
avec orgueil, et sa harpe, qu'il croyait perdue, résonne
de nouveau au souffle de la brise. Du milieu de ce frais
paradis, la Tour d'Ivoire se détache, blanche, au-dessus
d'un bois noir, enveloppée de la lumière d'un soleil d'orient.
   De ce nid de colombe s'envole une voix qui l'appelle, et
le chevalier monte en réglant son pas sur le rhythme du
chant qui le ravit.
                Toi qui poursuis la beauté pure,
                Le lis que nul doigt n'a terni ;
                Toi qui veux aimer sans mesure,
                Savourer ta douce blessure
                Et t'enivrer de l'infini;

                Suspends tes armes en trophée ;
                C'est ici l'éclatant séjour
                Où toute guerre est étouffée,
                Où règne la dernière fée,
                Où fleurit le dernier amour.

    Il a (ranchi le seuil de la Tour d'Ivoire. Dès l'abord, une
lueur toujours croissante inonde la salle. Au milieu, sur un
 trône de fleurs, est assise une femme, vêtue de blanc, lumi-
neuse, et immobile comme une étoile fixe au fond du ciel.
La clarté sereine dont elle est environnée semble émaner de
son sein, et, si pure est cette lumière, que la voûte et les
murs en sont transparents. Le chevalier alors s'incline et
fléchit les genoux devant cette reine toute céleste dont il se
reconnaît le vassal. Celle-ci aussitôt écarte les plis de son
 voile et lui montre le visage de la rustique vierge qu'il n'a
cessé d'aimer. Leurs mains se joignent dans une ardente
étreinte, et les regards achèvent de dire ce que la bouche
 n'ose avouer.