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150 VICTOR DE LAPRADE Ils ont franchi la zone où croît le hêtre, et là , sous les sapins géants, sur le tapis rose de la bruyère, ils s'agenouillent pour prier. Chaque fois qu'admirant la terre et ses splendeurs, Enivrés de clartés, de musique et d'odeurs, Vous atteindrez du pied ces régions sublimes, Souvenez-vous, enfants, de prier sur les cîmes. Commençons par les morts ,. Frantz avait dit à ses fils, un soir de novembre : A genoux ! à genoux ! donnez aux morts augustes Vos premières douleurs ! Après la prière, et pendant que les jeunes chevreaux, courant, grimpant, suivent la chèvre agile, pendant que les légers écureuils glissent sur le bouleau qui se balance, lui, l'homme mûr, revient a ses jeunes saisons; lui, le poète, laisse avec les horizons grandir sa pensée ; lui, l'amant de la nature, savoure ici la vie. Il appelle a lui tous les esprits qui peuplent l'immensité ; il écoute avidement toutes les harmonies ; il nage dans la lumière ; il moissonne, selon son audacieuse expression, les clartés, les accords, les couleurs, et son âme goûte le calme suprême. Comme dans la Sym- phonie alpestre, son dernier cri sur les hauteurs, entre Dieu si près et les hommes si loin, est un cri du cœur. L'homme s'agite en vain, débile créature ; Il n'a pu réussir à gâter la nature Va ! tout s'accomplira dans un immense amour. Un entrelien avec Corneille, où tous les vers Sculptés du même airain que don Dicgue et qu'Horace font de Victor de Laprade l'héritier de ce grand ancêtre, rap- pelle le souffle de combat et de victoire répandu dans la Muse armée. Même à cette heure encor, la parole est un glaive, Qu'un poète se dresse et qu'une voix s'élève !