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                   ÉPITRES D'ANGE POLITIEN.                419
   La critique allemande, extrême en toutes choses, est
allée jusqu'à prétendre que l'auteur de l'Iliade et de
l'Odyssée est un être imaginaire, un rhapsode par excel-
lence, qui a jeté les fondements d'tine pyramide, que ses
successeurs ont lentement conduite, de siècle en siècle,
jusqu'à sa dernière assise. Ce paradoxe dû au meilleur
éditeur d'Homère, le savant M. Wolf, a trouvé des
partisans, en Allemagne surtout ; mais il a été victorieu-
sement combattu par Larcher, Sainte-Croix, Césarotti et,
au commencement de ce siècle, par M. Payne, Knight, le
sagace critique anglais.

   On a prétendu alors, et dans les écoles mêmes qui
avaient rendu à Homère son identité contestée, que du
moins, il ne put être un contemporain des soldats d'Achille,
car alors il se serait laissé enchaîner par sa connaissance
personnelle des faits : le poète voyageur dont nous parle
Hérodote, allant sur le vaisseau de Mentes à l'île d'Ithaque
pour interroger ses habitants, et recueillir de leur bouche
nombre de particularités sur Ulysse,aurait-il fait d'Achille
le fils d'une déesse maritime ?
   Ce raisonnement, je l'avoue, n'est pas fait pour me con-
vaincre, même avec les développements qu'il comporte.
Que pouvait être la poésie épique au x° siècle avant notre
ère, à une époque où l'art d'écrire était peut-être inconnu
à la Grèce, (puisqu'Homère a négligé d'en parler), sinon
un moyen de répandre les traditions historiques ? Ne
fallait-il pas placer sa base sur une tradition populaire ?
Autrement n'eût-elle pas semblé vide et insipide, — ses
ornements déplacés,et son dénoûment sans intérêt? Comme
le remarque excellement un de ces critiques sérieux de
l'école anglaise, qui ne se laissent aller à aucun parti pris,
« cette histoire, au nom de laquelle il priait les Muses
d'aider sa mémoire, ne devait pas sa valeur principale à la
relation d'événements réels ; c'était un genre tout particu-
lier dans lequel le merveilleux passait le naturel, et où le