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ÉPITRES D'ANGE POLITIEN. 409 les mamelles se remplissent d'un lait abondant; et un autre troupeau, venu des climats que brûle un soleil ardent, se plait à paître les herbes inconnues dont ces prés abondent. Mais les jeunes veaux, renfermés dans leurs étables, à l'abri des rigueurs du froid, appellent par des cris leurs mères, qui doivent leur apporter la nourriture de la nuit. Cependant le lait épaissi bout dans de vastes chaudrons d'airain, et le paysan robuste, les bras nuds, avec ses jeunes enfants, le pressent et le réduisent eu masse qu'ils font sécher sous d'immenses ombrages ; et, tandis que les douces brebis vont paître, le porc de la Calabre, traînant avec peine la graisse dont son corps est surchargé, reste enfermé dans son toit, et appelle, par ses grognements répé- tés, lanourrilure qui doit remplacer celle qu'il a déjà dévorée. Ailleurs, le lapereau de l'Ibérie se creuse de profondes tannières ; une nombreuse colonie de laborieux insectes file des toisons soyeuses, tandis que les essaims multipliés des abeilles voltigent dispersés dans les jardins fleuris, et remplissent leurs cellules d'un nectar délicieux. Mille oiseaux de différents plumages s'agitent dans les volières où ils sont captifs, tandis que l'oie, chère aux Romains, qu'elle sauva d'une ruine assurée, va librement chercher la nourriture dans les champs; que les canards, se plaisent à se plonger dans l'étang voisin; et qu'une nuée de colombes consacrées à Vénus, s'élevant dans les airs, y forme un nuage qui vient tout à coup obscurcir le jour. » En traduisant ces beaux vers, dignes en tous points de ceux des Géorgiques, je sens bien que je parle un langage tellement éloigné de l'esprit moderne et des préoccupations contemporaines, que lé lointain écho en doit causer moins d'admiration que de surprise importune; de quoi peut servir aujourd'hui la plus poétique description d'une villa italienne du xve siècle, où l'on ne peut pas même placer la seène d'un drame ou d'un roman ? D'accord, mais quand on s'est fait une douce habitude de vivre par la pensée, avec ces esprits d'un autre âge, qui n'offre avec le nôtre 26