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POÉSIE. Tous diront d'une voix qu'étrangle la douleur : « Je courais sur le monde ainsi que la tempête ; Au seul bruit de mes pas tremblait toute grandeur ; Mon talon tous les jours en écrasait le faîte ; J'étais le grand, le beau, le sublime vainqueur ; Mais quand je poursuivais ma dernière chimère, L'orage par moi fait m'a soulevé de terre, Et le monde en une heure a perdu son Seigneur. » O monde, ouvre les yeux ; regarde, ô Prométhée ! La nuit autour de toi semble-t-elle jetée ? Et dans l'espace aveugle au signe de ta main, Sentant avec ta chair l'espérance emportée, Ne vois-tu nul secours à l'horizon lointain Et dis-tu qu'au présent ressemblera demain ? Ton terrible vautour, ivre de ta souffrance, Enfonce-t-il plus fort ses serres dans ton cœur ? Et son bec plus puissant sur un cou plus immense, De cette nuit trop calme insultant le silence, Claque-t-il de plaisir, de rage et de bonheur ? Dites-moi, nations qui jadis fûtes grandes, Et qui, dernier asile à notre orgueil laissé, Venez cacher vos fronts dans vos vieilles légendes Ainsi que vers sa mère accourt l'enfant blessé ; Dites-moi, trouvez-vous dans sa gloire sereine Le vainqueur si puissant qu'il faille tout subir, Et boire chaque jour la coupe toujours pleine De ce breuvage amer qu'il prépare à loisir ? Oh ! s'il en est ainsi, c'est que votre Camille Arrive sur ce char dont on entend le bruit, Et que sur l'horizon, cette foudre qui brille Di qu'elle frappera les sommets cette nuit. Alors relevez-vous, victimes de sa haine, Ou de l'égarement qui demain le tuera Et courez vers la mer, car vous pouvez déjà Préparer un vaisseau menant à Sainte-Hélène. Charles BOY. Septembre 1874.