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166                              POÉSIE.
        Poussèrent contre l'homme une clameur immense
        Et leur voix devant Dieu réclamèrent vengeance.

        «   Seigneur. — disait le Blé, — je ne veux plus lever
        «   Pour tes enfants ingrats qui refusent l'aumône,
        «   Quand un pauvre affamé s'en vient les implorer, —
        «   D'une part seulement du pain que Dieu leur donne. »

       Et le Ruisseau disait : — « A quoi bon rafraîchir
       « Les corps, puisqu'aujourd'hui l'âme dégénérée
       « N'étanche plus sa soif à la source sacrée.
       « Pour punir les méchants, Seigneur, fais-moi tarir ! »

        Et la Vigne disait : — « Sur la côte pierreuse,
        « Je ne suspendrai plus ma grappe savoureuse.
      . « Tu fis pour le travail le vin réparateur,
        « Ils en ont fait l'ivresse... oh ! frappe-les, Seigneur! »

       «    O comble de l'horreur ! reprit alors la Brise,
       «    Je n'emportais jadis que les chansons des fleurs ;
       «    Il me faut à présent, sur mon aile surprise,
       «    Emporter des méchants les blasphèmes railleurs ! »

       Alors Dieu se tourna, son sublime sourire
      Illumina la terre et mûrit les guérets,:
      « Qu'est-ce donc, mes enfants, et qu'avez-vous à dire ?
       « Car je n'entendais pas votre voix ; j'écoutais
      « Un enfant qui, debout, dans les bras de samère,
      « Apprenait de sa bouche à m'appeler son père !
      « Les hommes, dites-vous, sont ingrats et méchants.
      « Pour être des ingrats, sont-ils moins mes enfants ?
      « Ils ne comprennent point ma tendresse céleste,
      « Et, me voyant venir, ils ferment les deux yeux ;
      « Taisez-vous, leur amour passe, mais le mien reste ;
      « Père toujours aimant, je veux prendre soin d'eux.

      « Source, coule, Sillon, nourris-les... car, si j'aime,
      « C'est pour donner l'amour, non pour le recevoir.