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LE PAGE DU BARON DES ADKETS. 439 Dans la pensée d'être vus des gardiens vigilants du pont, les deux gentilshommes prirent, à droite, la route du midi, puis au premier chemin, ils revinrent à gau- che, firent un demi-cercle et, comme pour une prome- nade sans but, entrèrent dans les saulées au pas le plus tranquille de leurs chevaux. A peine avaient-ils plongé dans la partie sauvage de la plaine qu'un enfant se leva précipitamment d'un buis- son et, sans leur faire le moindre signe, se mit à marcher devant eux dans la direction du nord. Un éclair de satisfaction illumina leur visage. — Louise, ma chère Louise, dit le plus jeune des ca- valiers sous le déguisement duquel on a déjà reconnu le vaillant page du baron des Adrets, laissez-moi seule, maintenant; rentrez à Lyon, il en est temps encore, et n'exposez pas pour une infortunée votre vie, peut-être votre fortune, votre liberté et à coup sûr votre réputation. — Ma réputation, répondit la belle Cordière en se- couant tristement la tête, elle est bien compromise. Les « dames lyonnaises ne peuvent me pardonner de voir les plus grands personnages fréquenter mon humble de- meure, écouter mes vers et se plaire à mes récits quand leurs salons sont déserts. Autrefois, quand Barthélémy Aneau venait me voir, on disait que j'étais pour les doc- trines nouvelles; si Bellièvre et Vauzelle se plaisent dans ma maison, on dit que j'aime la noblesse et que je mé- prise mon mari ; si je suis heureuse de m'entourer de beaux esprits, si je charme, si je retiens la jeunesse élé- gante par des récits appropriés au goût du jour, on dit que ma conduite est légère et l'on sollicite Clémence, PerneUe, Claudine, Sybille, Jeanne, toutes nos vertueu-