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324 LETTRE INÉDITE. sensible. Je lui faisais croire que nous étions heureux et pleins d'espoir. Il aurait souffert de savoir notre infortune ; et faire souffrir M. Berjon!.. que Dieu lui donne tout le bonheur qu'il a mérité ! Je serais bien fâchée que votre prévision se réalisât. Je ne voudrais pas qu'il ait eu la pensée de priver Lyon ou quelque autre ami d'une de ses belles fleurs immortelles. Nous ne vivons pas assez pour souhaiter enfermer dans nos pauvres retraites ce qui peut étendre la gloire de ceux que nous pleurons et que leur pays n'a pas assez honorés de leur vivant! Je porte ce sentiment si loin, ma bonne Adèle, que jamais je ne lui ai montré le moindre désir d'une de ses belles fleurs qui me ravissaient et j'ai dû quel- quefois lui paraître n'en pas comprendre le prix. J'ai de lui une esquisse de ma petite Lin a enfant, d'une ressemblance adorable, et c'est bien assez ! Le triomphe que ses ta- bleaux de fleurs ont obtenu au Salon, il y a deux ans, m'a fait un plaisir inexprimable. A Paris, du moins, on osait dire et penser que c'était au-dessus de tous les autres; mais il ne l'a pas entendu et ses quatre-vingt-dix ans n'ont pas été réjouis de la croix des artistes!... une autre croix pèse aujourd'hui^sur ce cœur pur, hélas! parce que per- sonne n'est jaloux de celle-là , cher et bien-aimé Monsieur Berjon ! Vos tristesses sont trop senties par moi et redoublent le désir que j'ai souvent de vous revoir. Vous êtes si bonne ! Vous m'avez été si fidèle qu'il y a entre vous et moi un lien auquel l'absence ne touche pas. Ah ! je vous en re- mercie, car moi aussi j'ai vu s'écouler bien des rêves. Le souvenir que vous me demandez et que nous devons au généreux talent de notre ami Elshoect est là , acheté et préparé pour vous depuis près d'un mois; l'embarras est de vous le faire parvenir, sinon vous l'auriez déjà ; il est d'une grâce qui vous plaira, j'en suis sûre. C'est l'image véritable de l'amitié et je serais heureuse de la sentir sous vos yeux. Si indulgent pour moi! Elshoect a fait comme