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M. GRÉGOIRE ET SES ÉCRITS. 303 parti extrême dans la querelle littéraire qui s'agitait à côté de la querelle politique de 1830, qu'il méprisait les classiques et les reléguait derrière les bancs de l'école, il n'en était rien ; toutes les sources d'inspiration lui sem- blaient bonnes, et les sources toutes fraîches de l'inspi- ration moderne, et les nobles sources non encore taries de l'inspiration antique. A propos d'André Chénier, il adressait aux muses grecques un hommage rendu piquant par sa forme et sa ferveur romantiques : « André Chénier, né d'une femme grecque et élevé dans la Grèce, se plaisait à nous ramener avec lui aux poétiques régions de son enfance. On errait encore sous les délicieux ombrages de l'Arcadie, on voyait dans un vague horizon s'élever, à demi-voilé d'arbres cente- naires, le fronton gracieux ou se dérouler la colonnade majestueuse; on entendait encore ces vieillards, maîtres de l'harmonie, qui promenaient dans les cités leurs in- fortunes et leurs chants ; toute la délicatesse de la langue grecque passait dans la nôtre, et la lyre du poète trou- vait dans le christianisme des cordes plus touchantes encore pour vibrer au cœur. Ah ! dans notre amour pour les muses rêveuses du Nord, nous, fils du dix-neuvième siècle, accoutumés à la mélancolique harmonie ou à la mâle vigueur, gardons-nous de dédaigner les muses de la Grèce ! Elles formèrent notre enfance et soutinrent nos pas chancelants ; et, si le cœur bat aux accents de la patrie entendus sur une plage lointaine, la muse classique serait-elle donc froide pour nous, elle qui nous rappelle nos premières émotions ? » M. Grégoire se tint toujours à ce point de sage modé- ration, il s'y attacha même avec timidité, sa critique n'alla jamais jusqu'à admettre toutes les beautés hardies de Victor Hugo, tel qu'on le connaissait à cette date de