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314                      JACQUES LISFRANC.
    Toutes les femmes qui étaient dans les salles à la Pitié avaient
demandé la veille leur exeat pour pouvoir assister à son enter-
rement. Les règlements s'opposant à ce que cette permission
leur fut accordée, elles ont prouvé qu'elles aimaient mieux être
jetées dans la rue pauvres, malades et sans ressources que de
 résister à cet élan du cœur qui les poussait à venir dire à leur
 bienfaiteur un dernier adieu.
    Ces larmes étaient la plus sainte des prières et la plus élo-
 quente oraison funèbre. C'est par là que se distinguent les fu-
 nérailles d'un ami du pauvre, de toutes ces pompes vaines dont
 l'orgueil entoure la mort.
    Ce n'est pas non plus qu'en cette grande occasion toutes les
 autres positions sociales n'aient payé leur tribut à ces mânes
 vénérées.
     Le corps fut porté au cimetière du Mont-Parnasse. Là, des
 discours interrompus par une douleur vive et sincère ont rap-
 pelé ce que fut encore Lisfranc, pour la science, pour l'ensei-
 gnement et pour l'amitié. Les larmes du peuple venaient dire ce
 qu'il était pour l'humanité souffrante.
    MM. Pariset, Sers, Leneveu, Boyer et Rattier ont prononcé
 des paroles que l'émotion générale et leur propre cœur avaient
 inspiré et que l'assistance recueillait avidemment.
     Triste jour que celui des obsèques d'un homme de bien',
 disait alors le National, dans son compte rendu ; mais com-
 bien il serait plus triste pour ceux qui regrettent cet homme
 s'il n'avait pas laissé après lui ces travaux utiles et ces actions
 généreuses dont la mémoire se prolonge et nous donne au
 moins cette pensée consolante qu'en le quittant à sa dernière
 demeure, on n'en est pas entièrement séparé !
     Lisfranc ne comptait que 58 ans, lorque la mort se saisit de
 cette noble proie. Elle triomphait de cette puissance qui avait si
 long-temps conjuré ses arrêts. Elle le tenait cette fois. Déjà, depuis
  15jours, en pressentant sa défaite, ce rude jouteur, ce fier enfant de
 la vie, avait dit de lui-même: le coup mortel est porté', ainsi s'accom-
 plissait l'oracle, et quand le docteur Fouquier fut appelé, Lis-
 franc décrivit et les détails et les accidents et les progrès du mal,