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300                     JACQUES LISFRANC.
    La charité, le désintéressement! il en a fait preuve assez,
longtemps en qualité de chirurgien du premier dispensaire phi-
lanthropique. Un de ses collègues au Dispensaire, collègue qui ne
lui a rien épargné dans une Notice sur sa vie, se hâte de ren-
dre hommage à ces premières qualités. « Désintéressement et
parfait dévouement pour les malheureux, nous ditce biographe. »
    Lisfranc était fidèle à ses malades par un de ces attachements
qui partent d'un cœur brûlant dans ses affections, intraitable
ensuite dans ses inimitiés contre l'empire des souffrances et du
mal quel qu'en fût le siège ou la source. La maladie qui attei-
gnait un client devenait un ennemi à vaincre, et vaincre sus-
citait en lui une passion infatigable. Rien n'était à demi chez
Lisfranc, il avait cela de commun avec tous les nobles cœurs.
    Sa docilité à écouter, autre qualité essentielle au médecin, était
proverbiale -, autant notre docteur se montrait impétueux et
bouillant dans ses malheureuses discussions de concours, acerbe
dans ses polémiques, autant auprès du lit du malade il était
 sage, calme et patient ; aussi sa réponse était toujours raison-
 nable, conforme à la demande, toujours douce et satisfaisante.
    Cette nature fougueuse, indomptable, rude et dure devant la
domination et la force, s'amollissait devant la faiblesse et la sou-
 mission. Le malade qui se confiait à lui, qui lui remettait sa
vie en dépôt, était le seul être sacré devant lequel sa superbe
 s'inclinait. Elle devenait souple, caressante, insinuante, cette
 nature difficile ailleurs ; c'était uniquement, dans ce cas, le
 chien couchant sous une enveloppe de sanglier -. l'intelligence
 d'autrui mettant bas les armes devant cette intelligence sublime
 dont elle se proclamait l'esclave, son âme alors devenait héroï-
 que, généreuse, humble même,• elle se plaçait ainsi à la hau-
 teur de celle des grands triomphateurs. Ce sentiment-là n'est
 pas rare chez les hommes forts ; il se retrouve dans la visite
 d'Alexandre aux tentes de Darius après son triomphe d'ArbelIes.
 Victoire, mais soumission, douce pitié pour le malheur qui
 courbe tristement la tête
    Bref, cet homme si rude dans ses luttes avec ses adversaires,
 était d'une douceur de femme dans ses terribles fonctions de