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184                                    VARIÉTÉS.
œuvres qui ajoutaient tant de gloire au nom de Rome, de Florence, de Bo-
logne ou de Venise; bien des peintres de mérite vivaient inconnus, el quand
le malheureux Corrège, pliant sous le fardeau dont le poids devait occasion-
ner sa mort, s'acheminait haletant et courbé vers sa demeure, nul de ceux
qui le rencontrèrent ne vint soulager sa fatigue et lui tendre la main (1).
     Dans un siècle, on admirera deux tableaux bien différents de composition,
de style et de pensée , que nous avons été à même de voir ces jours der-
 niers, el dont la foule à Lyon s'est peu préoccupée. L'un d'eux , pourtant,
 a eu les honneurs de quelques lignes dans nos journaux. Des fleurs sur un
 rocher au bord de l'eau nous ont montré jusqu'où pouvait atteindre le génie
 de l'artiste à qui on les doit. Cette toile de M. Saint-Jean est partie pour la
 Prusse, d'où, sans doute, elle ne reviendra pas. Cependant peu de nos com-
 patriotes ont eu la curiosité de voir cette œuvre qui suffirait à faire un nom
 à son auteur.
     L'autre tableau est un portrait de femme Admirable comme beauté, le
 modèle a fourni à l'artiste l'occasion de surmonter et de vaincre toutes les
 difficultés que présente une tète fine, expressive et mobile. Assise de face,
 les mains négligemment posées sur les genoux, la tète vigoureusement éclai-
 rée, cette femme offre un charmant mélange de naturel sans trivialité, de
 grâce sans prétention, de désir de plaire sans coquetterie. Les tons chauds
 de la peau s'enlèvent avec énergie sur une abondante chevelure noire, entre-
  mêlée de feuilles de lierre et de rubans. La coiffure est originale dans sa
  simplicité ; la toilette offre un heureux mélange de dentelles et de velours,
  rendus avec une merveilleuse vérité. Du reste , le dessin pur el savant de
  l'artiste, est peut-être moins admirable encore dans cette toile que l'harmo-
  nie des tons et la puissance du coloris qui ont fait de son auteur un peintre
  hors ligne. Malheureusement, M.Trimolel est modeste, et, tant qu'il vivra, ses
  œuvres abandonnées à elles mêmes courent le risque de passer inaperçues.
  Après lui, on proclamera son ménle, et nos neveux diront que noire époque
  a été belie el féconde ; le XIXe siècle se sera acquis une répulation sans
  beaucoup de frais.
    Le tableau de M. Trimolet ne quitte pas notre ville, mais il n'en sera pas
 moins perdu pour le public, dès qu'il aura pris sa place dans le salon auquel
 il est destiné.

   ( l ) On sait qu'ayant reçu et voulant apporter à 5a famille trois cents livres en monnaie de
 cuivre pour prix d'un de ses tableaux, Le Correge, exténué de fatigue et de chaleur, gagna
 la maladie dont il mourut.


                                              AIMÉ VINGTRIKIÃR, directeur-gérant.