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    Quel bonheur pour m o i , si je pouvais vous faire non pas
 entendre, mais deviner quelques notes de ce concert éteint,
 quelque lointain écho de ces prophétiques voix qu'exhalait la
 grotte d'Albunée ! Je l'essaierai, MM., car ce n'est pas la
versification, mais le génie poétique de l'Italie que j'ai à cœur
 de vous montrer.
    Bien plus dans les chants même où l'on emploie la langue
des vainqueurs, au milieu de celle poésie d'emprunt; rap-
 portée de la Grèce dans les bagages de la conquête, au milieu
de la poésie d'orgueil qui fit toute l'originalité de la muse
romaine, l'antique poésie italienne fait souvent irruption , il
y a lutte entre l'élément étranger et l'élément indigène, et
 souvent ce dernier l'emporte : vidoresque cadunt Danai.
    Nous aurons donc à distinguer trois poésies dans les auteurs
latins, la poésie g r e c q u e , la poésie r o m a i n e , et la poésie
italique. Nous réserverons avec un religieux respect les deux
premières à l'habile professeur de littérature ancienne:
la troisième nous appartiendra. Notre savant collègue a
choisi peut-être la meilleure part : elle ne lui sera point
enlevée. A lui ce qui c o m m a n d e , ce qui triomphe ; à nous ce
qui proteste , ce qui lutte. A lui le Romain , le vainqueur ; à
nous l'Italien, le vaincu.
    Mais bientôt vaincus et vainqueurs sont ensevelis dans îe
même silence : nous aurons à apprécier les causes de ce long
sommeil de la muse italienne, les causes de son réveil
glorieux.
    Oh! quel tableau se présenterait alors à n o u s , MM,, si ma
faible main pouvait le tracer. Un ancien disait que le plus
beau spectacle que la terre puisse offrir à Dieu, c'est l'homme
de bien aux prises avec la fortune. Il en est peut-être un plus
grand. C'est celui que présenta l'Europe au moyen â g e : une
nation , une race humaine toute entière, purifiée par la bar-
b a r i e , renaît à de nouvelles et glorieuses destinées! l'huma-
nité est jelée un instant dans un gouffre profond où luttent
pèle-mèle, comme des flots déchaînés, la cruauté, le désespoir,