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229 Quel bonheur pour m o i , si je pouvais vous faire non pas entendre, mais deviner quelques notes de ce concert éteint, quelque lointain écho de ces prophétiques voix qu'exhalait la grotte d'Albunée ! Je l'essaierai, MM., car ce n'est pas la versification, mais le génie poétique de l'Italie que j'ai à cœur de vous montrer. Bien plus dans les chants même où l'on emploie la langue des vainqueurs, au milieu de celle poésie d'emprunt; rap- portée de la Grèce dans les bagages de la conquête, au milieu de la poésie d'orgueil qui fit toute l'originalité de la muse romaine, l'antique poésie italienne fait souvent irruption , il y a lutte entre l'élément étranger et l'élément indigène, et souvent ce dernier l'emporte : vidoresque cadunt Danai. Nous aurons donc à distinguer trois poésies dans les auteurs latins, la poésie g r e c q u e , la poésie r o m a i n e , et la poésie italique. Nous réserverons avec un religieux respect les deux premières à l'habile professeur de littérature ancienne: la troisième nous appartiendra. Notre savant collègue a choisi peut-être la meilleure part : elle ne lui sera point enlevée. A lui ce qui c o m m a n d e , ce qui triomphe ; à nous ce qui proteste , ce qui lutte. A lui le Romain , le vainqueur ; à nous l'Italien, le vaincu. Mais bientôt vaincus et vainqueurs sont ensevelis dans îe même silence : nous aurons à apprécier les causes de ce long sommeil de la muse italienne, les causes de son réveil glorieux. Oh! quel tableau se présenterait alors à n o u s , MM,, si ma faible main pouvait le tracer. Un ancien disait que le plus beau spectacle que la terre puisse offrir à Dieu, c'est l'homme de bien aux prises avec la fortune. Il en est peut-être un plus grand. C'est celui que présenta l'Europe au moyen â g e : une nation , une race humaine toute entière, purifiée par la bar- b a r i e , renaît à de nouvelles et glorieuses destinées! l'huma- nité est jelée un instant dans un gouffre profond où luttent pèle-mèle, comme des flots déchaînés, la cruauté, le désespoir,