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cette distinction, et reconnaît les limites de chaque moyen
de connaître, même dans l'esprit de ceux qui par système
s'efforcent de les oublier; car il n'est pas un d'eux qui ne
croie qu'il a un système, et ce système, quand l'a-t-il vu,
touché ou entendu ?
   Et de môme un homme qui voudrait tout ramener à l'ex-
périence individuelle, et n'admettre les faits prouvés par le
témoignage et l'histoire, qu'autant, non pas qu'ils seraient
véritablement prouvés, mais qu'ils seraient conformes aux
faits de son expérience privée, celui-là commettrait et une
contradiction et une absurdité. Une contradiction, car exa-
minez bien, vous trouverez que, parmi les faits à notre con-
naissance, dix-neuf sur vingt, au moins, nous viennent du té-
moignage ; or vous les croyez, remarquez bien cela, non
parce qu'ils sont raisonnables, mais parce qu'ils sont prouvés.
L'homme dont nous parlons fait comme vous et croit à une
foule de faits, non parce qu'ils sont en rapport avec les idées
qu'il relire de son expérience propre, mais parce quecesfaits
sont établis. Une absurdité, cary a-t-il la moindre différence
 entre ne pas croire un fait bien établi par le témoignage, sous
prétexte qu'il ne tombe pas dans le cercle de mon expérience
personnelle, et ne pas croire aux faits de l'oreille sous pré-
 texte qu'ils ne tombent pas dans le cercle de la vue ?
    Si le témoignage des personnes qui entourent un aveugle-
né établit l'existence d'un cinquième sens dans les autres
hommes, l'aveugle-né devra-t-il ne pas croire parce que
ses oreilles et ses mains ne lui en donnent aucune idée ?
Devra-t-il refuser de croire par la même raison qu'à l'aide
de ce sens inconnu on mesure les distances, on élève des
palais, on embrasse un horizon immense, on parcourt le
monde, on traverse les mers, on saisit le cours des astres, on
communique avec des gens qui ne sont plus ?
    Si un paysan, dans son village retiré, apprend qu'à des