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peler à lui pour qu'il mandât à la barre de son tribunal la
dame de Jarez , comme coupable d'anthropophagie, ce qui
pourtant n'était point encore prouvé.
   Si donc la stupeur régnait au dehors , une mortelle inquié-
tude troublait aussi l'inlérieur du château. Il n'était pas un
serviteur qui n'eût offert sa vie pour racheter celle de sa noble
maîtresse que l'on voyait se mourir à chaque heure.
   Et l'on se désespérait, lorsque lout-à-coup la grande salle
se m i l à bruire de cris perçants. Ces cris se mêlaient aux sa-
criements des hallebardiers aux prises avec une mère écheve-
lée qui leur disputait son enfant.
   Ces cris montèrent jusqu'à l'appartement d e l à malade, et
appelèrent en elle un reste de force. - Hélas ! on n'a plus,
sans doute, dit-elle, de triste mort à m'apprendre, d'où vient
que tout le châtean est en émoi ?
   — Ce sont vos vassaux, noble dame, vos vassaux inquiets,
qui probablement auront forcé l'entrée, répondit le chapelain,
ignorant lui même la cause d'un tel vacarme.
   Le chapelain n'avait pas achevé, que la porte s'enfonça et
qu'une femme tout en sang roula aux pieds delà dame de Jarez.
   —Grâces, clamait-elle, au nom de la bonne Yierge Marie et
de tous les anges! grâces pour mon enfant! qu'on me tue,
moi sa m è r e ; mais qu'on laisse vivre ce pauvre innocent !
   — Grâces, dites-vous, ma bonne^ lui fit la princesse en re-
levant cette mère affligée ; mais, qui en veut aux jours de vo-
tre enfant ?
   — Yos hommes d'armes, reprit la malheureuse m è r e , en
désignant les hallebardiers qui entraient avec l'enfant sur les
 bras. Les voilà! Des loups me le rendraient ou nous dévo-
 reraient ensemble. Eux, hélas ! veulent le dévorer et me lais-
 ser vivre!
  A la vue 4e l'enfant, tous les appétits de la dame de Jarez
se réveillèrent. Il était beau cet enfant, beau selon ses en-
vies, et Satan s'était mis celle fois à parler au cœur de la
châtelaine.