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   Au reste , si la nature de nos recherches me faisait repousser
le terme d'origines, l'époque à la quelle nous remonterons
me permet peut-être de l'adopter.
   La poésie italienne ne commencera pas pour nous avec la
langue toscane. La poésie est un état de Pâme, avant d'être
un son de la voix. Or, croirons-nous qu'à un jour donné
du XII e siècle, sur celte terre jusque là muette , soit descendu
tout à coup le souffle poétique ; que tant de générations se
soient succédé impassibles t é m o i n s , à la vue de ces mêmes
montagnes, aux rives de ces mêmes fleuves, dans le sein
de celte même nature dont les embrassements furent dans
la suite si féconds pour le génie ? Quoi! avant les poètes de
 Sicile et de T o s c a n e , ce ciel si c h a u d , cette terre si pleine
d'accidents gracieux et terribles n'aurait-elle rien dit au cœur
de l'homme, ou l'homme n'aurait-il pas eu d'ame pour l'en-
tendre, de voix pour lui répondre.
   Ne pensez p a s , MM., que je veuille ici faire allusion à la
poésie latine et la rattacher à mon enseignement. Non, la
poésie de Rome n'est pas la poésie italienne ; Rome n'est pas
l'Italie ; Rome c'est le pouvoir, c'est la conquête, c'est la main
 qui enchaîne ou plutôt le pied qui écrase. L'impérieuse cilé
imposa à l'Italie vaincue la poésie enlevée à la Grèce vain-
c u e , elle entassait ainsi butin sur b u t i n , et chargeait son
 esclave des dépouilles de sa victime.
   Mais sur ce sol italien, ne pourrait-on pas trouver encore
sous la lave romaine quelques débris desséchés de fleurs
autrefois fraîches et brillantes ? Ne reste-t-il plus rien de
l'esprit poétique qui dût animer ces populations vierges
du L a t i u m , cette mystérieuse et sacerdotale E t r u r i e , ces
braves et farouches Samnites . Alors aussi battirent de
nobles cœurs, alors régnèrent de poétiques m œ u r s , de
sombres ou gracieuses croyances. Alors aussi, sans doute, on
chanta les c o m b a t s , on rêva au bord des fontaines. Peut-être
avant le favori de Mécène, le bois de Tibur ou la Cascade d e
l'Anio avait-elle déjà vu un Horace.