page suivante »
34 son enfant. Elle était la mariée d'un des vassaux qu'avait en- rôlés feu le comte de Forez. Certain garde du château, dans l'espérance de fiancer avec elle, avait fait courir le bruit que le comte s'était fait suivre en paradis ; mais la pauvre femme n'en croyait rien, elle tenait à son serment d'épousée envers et contre tous. «—Je te prends, avait-elle dit, comme toutes les fiancées d'alors, à époux et mari, et je te promets que je te porterai foi et loyauté de mon corps et de mes biens, et je te garderai sain et malade en quelque état qu'il plaise à Dieu que tu sois. Ne pour pire ne pour meilleur, je ne te changerai jusqu'à la mort certaine. » Elle était fidèle. Elle était belle aussi. Toute la beauté de la mère s'était ensuite reproduite dans les traits de l'enfant. À la vue, c'était la Vierge et l'ange que les soldats d'Hérode semblaient traîner au massacre. Arrière! lui criait-on, et les coups suivaient la menace. On la mit hors le château, et le vieux fauconnier s'avisa de retenir l'enfant pour la cuisine de la malade. Aussitôt que cette mère désolée vit fermer sur elle les lourdes portes du donjon, elle ne fut plus maîtresse de sa douleur. Elle se prit à parcourir toute saignante et échevelée la principauté du Jarez, excitant à la vengeance le peuple menacé, comme autrefois ce Lévite dont les habitants de Gubaa avaient déshonoré la femme. Beaucoup de mères noyèrent leurs enfants dans la crainte de les voir servir de pâture à l'ogre du Jarez. Plusieurs se tuèrent de désespoir. C'était la fin du monde, tant la frénésie de ce peuple était grande. Quelques chroniqueurs rapportent que hommes, femm«s et enfants tout aussitôt s'ameutèrent, assiégèrent le château, saisirent dans leur rage la princesse, l'enfermèrent dans une cage de fer, la promenèrent dans le Jarez, et tirèrent d'elle, en la mettant en pièces une vengeance horrible. Cette chronique n'est pas la vraie. La dame du Jarez vécut toujours, depuis lors, dans la haine du peuple; mais elle n'eut