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35 pas une fin aussi tragique, de manière à la faire mourir incon- fes intestat et de la main de ses vassaux. Son nom devint odieux et passa tel à la postérité, parce que le peuple ne revient jamais des impressions fâcheuses qu'on lui laisse, et qu'il garde, pour le mal le plus léger, une ran- cune qui passe même sur le bien qu'on lui fait plus tard. Mais, au dire des narrateurs les mieux renseignés., tout le crime de la châtelaine, son unique méfait, fut d'avoir eu l'en- vie que nous avons racontée et la faiblesse de n'avoir pu ré- sister à l'œuvre de Satan qui lui en avait soufflé au cœur la manifestation. Tentation dont, comme on va le voir, elle s'é- tait tout aussitôt défaite. Ainsi les potences et les gibets qui, depuis le départ du comte, avaient couvert les grands chemins, ne s'étaient pas dressés par ses ordres, et le vieux fauconnier retenait à son insu le pauvre enfant. Or, qui ne sait que les meilleurs princes ont eu des serviteurs pour perdre leur mémoire. Dès que la noble dame eût repris ses sens, elle eut honte d'elle-même et prit à se maudire. Elle se vit damnée et les flammes de l'enfer lui étaient toujours présentes. Tant d'émotions coup sur coup firent, dit-on, que l'héritier du cadet des comtes de Forez, successeur aussi des seigneurs de Sainl-Priest, ne vint pas à terme. La dame de Jarez n'eut plus ensuite d'autre envie que celle de faire pénitence, que celle enfin de se réconcilier d'abord avec Dieu et ensuile avec ses vassaux. Avec ses vassaux, elle ne le put jamais, tant elle leur faisait horreur. L'enfant cependant avait été rendu sain et sauf à sa mère ; mais on ne put ôter aux habitants du fief la malheureuse idée que la châtelaine ne vécut plus que de chair humaine, quoiqu'on eut rendu publics quelques-uns de ses repas. On repoussait ses aumônes ; les sources du châ- teau passaient pour être empoisonnées et les approvision- nements se faisaient hors la seigneurie, si bien on la crai- gnait. Quant à sa réconciliation avec Dieu, elle s'opéra par des