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h')H CHAULES. l'entendons plus, peut-être se prépare-t—il à jouer; ne pri- vons pas mon enfant de la seule consolation qui lui reste. En effet, presque aussitôt des sons partirent de l'appar- tement voisin, sons purs et doux, lents et plaintifs comme ceux d'un rossignol malade. C'était une mélodie pénétrante pleine d'une tendresse expressive; un chant suave, sem- blable à une longue rêverie, et qui allait se variant à l'infini, toujours simple, grave, sans qu'aucune phrase déjà dite, re- vint sous les lèvres du musicien. Nulle parole ne peut rendre tout ce qu'il y avait de triste et de sombre, de souffrance et de désespoir dans ces accents jetés au hasard, errants pour ainsi dire, mais enchaînés ensemble par un sentiment puissant. Georges n'en pouvant plus d'émotion, s'était laissé tomber sur une chaise : le père et la sœur pleuraient la tôle dans leurs mains. Au bout d'une demi-heure, la flûte s'arrêta, puis nous entendîmes Charles sangloller. — Voilà le nuage qui crève, dit le vieillard, j'espère toujours que ça le soula- gera un peu. — Faites-lui savoir que je suis ici, dit Georges. Sa sœur s'approcha de la porte et l'entr'ouvrit, mais en se tenant toute prête à la refermer : — Charles, c'est ton ami Georges, qui vient te voir. Charles ! Charles, veux-tu qu'il entre? point de réponse. Georges éloigna doucement la jeune fille, ouvrit tout-à -fait et entra. Charles, dont l'attention avait été excitée, était à genoux sur son lit, le regard tourné vers la porte, la figure hâve, les joues creuses, les yeux flamboyants et son couteau à la main. Soudain un torrent d'imprécations s'échappa de sa bouche. — Que voulez-vous? s'écria-t-il; je ne veux pas vous voir, je ne veux pas vous parler ; sortez ou je vous tuerai ! — Charles, vous êtes trop généreux pour vouloir tuer un ami qui s'approche de vous sans armes. —Je n'ai point d'ami! est-ce qu'il y a des amis? hypocrite, traître, osez-vous bien venir m'espionner jusque chez moi. — Ami, vous savez parfaitement que je ne suis