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NECROLOGIE. MM. BRL'YAS, GUiKDRAKD, EER.JOH ET rÉTRUS FEKLÃ.T. M. Jean-Pierre Bruyas, ancien président à la Cour royale de Lyon, né à Montbrison, en 1763, a terminé récemment sa longue et honorable carrière, et la Revue du Lyonnais ne peut enregistrer cette perte sans rendre à sa mémoire un hommage mérité. Aussi distingué par l'esprit que par le cÅ“ur, ce sont d'a- bord les qualités sympathiques qu'il faut louer en lui, car il les appréciait avant tout dans autrui. Une sensibilité qui déborde le moi lui faisait ressentir vivement les joies et les peines de ses amis, et porter dans ses relations avec tous, une aménité parfaite et une douce bienveillance. Des principes arrêtés n'empêchaient pas M. Bruyas d'être conciliant, et cette qualité qui, chez quel- ques-uns, accompagne des convictions flottantes, tenait en lui au discernement de ce que l'opinion contraire renferme ordinairement de vrai : c'est ce point que, par courtoisie, et tout en faisant ses réserves, il aimait à toucher en finis- sant une discussion. Il comprenait au mieux la dissidence, et ne jugeait les opinions que d'une manière abstraite, sans les personnifier, sans leur créer une forme et un corps qui donnent facilement prise à la passion : son éloignement pour les idées ne devenait jamais de l'aversion pour les hommes. Après avoir trouvé l'explication d'un fait, M. Bruyas en cherchait presque toujours l'ex- cuse, à moins qu'il n'excédât toute mesure possible d'indulgence, et cette haute impartialité ne se démentait pas à l'égard des faits dont il avait person- nellement souffert. La connaissance profonde des hommes, des mobiles ordi- naires et secrets de leurs actions, et toute l'expérience de ses 80 ans, n'avait pas abouti à la négation du désintéressement, de l'amitié et des meilleures choses de notre nature : ceux-là seuls en méconnaissent le noble germe dans les autres hommes qui ne l'ont jamais beaucoup senti, ni cultivé en eux ; le livre de Larochefoucauld devient leur manuel : M. Bruyas, avant d'y recon- naître la vraie science du cÅ“ur humain, eut fait une large part à l'excep- tion. M. Bruyas est du nombre de ceux qui ont passé dans le monde sans donner leur mesure ou du moins sans en laisser trace ailleurs que dans le souvenir de ceux qui l'ont connu intimement. Sans les affaires qui le disputèrent cons- tamment aux lettres et à la philosophie il y aurait marqué sa place, grâce à un