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290 BÉRANGER Comme Walter, St-Evremond et moi, Ne se feront jamais mettre à la porte. Qui n'admettrait Anacréon chez soi? Qui bannirait Walter et Lafontaine? Il est permis de croire que Béranger sait bien aussi ce qu'il vaut et ce que valent ses chefs-d'œuvre, mais l'homme qui fuyait les places et redoutait les honneurs, qui chantait : Mes amis, laissez-moi de grâce , Laissez-moi dans mon petit coin , se rapetissait, sans doute, pour éviter les éloges officiels des grands journaux. Et puis, peul-ôtre un trait piquant de plus : en voyant passer, dans le lointain, les vers burgraves de ce temps-là , hauts de cent coudées, il se remémorait l'histoire de Goliath et de David, et écrivait en souriant : Petits Poucets de la littérature, etc.. Voilà ce que nous ont inspiré ces deux grands écrivains qui n'ont de rivaux ni chez nous, ni ailleurs; — à tous deux notre admiration, mais à Béranger, le poète, nos sympathies : ses vers écrits dans la langue la plus pure, et sa vie s'ache- vant maintenant dans la solitude, sont deux miracles dans notre siècle de faux goût et d'ambition. Heureux le pays qui a produit deux hommes dont la vie fut si noble, deux citoyens qui aimèrent et servirent la patrie sans ambition ni cupidité, deux écrivains inimitables ! Aujourd'hui, il faut regarder en arrière pour retrouver les âmes désintéressées de l'artiste et du citoyen, les consciences pures des hommes forts. — Pour les nôtres, il n'y a pas longtemps qu'Us ont écrit; il faut se le répéter pour se rassurer sur l'avenir qui nous en ménage peul-ôtre de pareils; — mais qui oserait le croire, dans ce temps où toute espèce de talent n'est qu'un moyen pour mieux servir, où les hommes les plus éminenls, quantb quis servilio