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                   ET PAUL-LOUIS COUItlER.                   287
      Dans l'ombre à peine on voit poindre le jour.
      Des nations aujourd'hui la première,
      France, ouvre-leur un plus large destin ;
      Pour éveiller le monde à la lumière ,
      Dieu t'a dit : Brille, étoile du matin.

   Si nous avions à analyser ces beaux vers, il nous serait fa-
cile d'y faire voir le tableau le plus complet de l'état présent
des esprits. Il suffit à notre dessein d'en tirer la preuve d'un
génie universel chez Bôranger, en l'opposant à ce que nous
avons trouvé d'incomplet chez Courier.
   Nous venons de voir Béranger et Courier, pour sauver
leur indépendance, fuir les cours et les honneurs avec le
même courage, nous leur avons trouvé à peu près les mômes
instincts politiques; c'est en les considérant comme écrivains
que nous essaierons de manifester les différences profondes
qui séparent ces deux grandes intelligences.
   L'éducation de Béranger, presque abandonnée par son père,
avait été fort négligée dans sa jeunesse ; né dans un temps où la
patrie demandait des bras pour porter le fusil et non des in-
telligences pour l'illustrer, il fut élevé dans une institution
républicaine où il apprit les belles maximes de Rome et de
Sparte, mais où on oublia de lui enseigner les langues de ces
vieilles cités. Courier, au contraire, fils d'un père littérateur
et riche, a puisé de bonne heure des exemples à la source de
l'antiquité. Tout jeune il se passionne pour le grec, et, dans
toutes ses campagnes, il porte, comme Goethe, son Homère
avec lui. Dans ces commencements, l'avenir de tous deux se
découvre déjà : à l'un, l'inspiration; à l'autre, l'érudition; à
l'un, l'abondance, la fécondité, la grâce, le style et la vraie
poésie; à l'autre, la concision, l'expression forte, mais labo-
rieuse , la naïveté maniérée du tour, le style serré, châtié,
réduit, rapide et fait pour le trait.
   En effet, les hésitations de la jeunesse de Béranger ont été