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— io9 — tion dont il se souviendrait ; mais il avait tout prévu et avait pris ses précautions. Une voiture stationnait rue Puits-Gaillot, où il sauta, sans prendre la peine de changer de vêtements, et on n'entendit plus jamais parler de lui. m Il y avait des jours toutefois où, comme celui du cirque des Césars romains, ce public redoutable du parterre lyonnais se faisait débonnaire et daignait faire grâce à ses victimes, où il mettait une certaine coquetterie, même une certaine délicatesse dans sa mansuétude à leur égard. Le 30 novembre 1828, après la cavatine de la Leçon de chant, au troisième acte du Barbier de Séville, Mlle Dangremont, qui interprétait le personnage de Rosine, piquée de quelques chuts qui s'étaient mêlés aux applaudissements, avait, de dépit, jeté sur le plancher son morceau de musique et s'était retirée de la scène. Le public, bon prince par hasard, ne lui en témoigna pas de rancune, et quand elle reparut, il voulut bien saluer son retour d'ovations unanimes (1). J'ai signalé tout à l'heure les querelles suscitées, en 1825, à Mlle Folleville par un groupe d'habitués du Grand-Théâtre qui lui reprochaient de cumuler les deux em- plois de chanteuse légère et de dugason, et prétendaient la confiner dans ce dernier genre. Elles se réveillèrent, pour les mêmes motifs et avec plus d'acuité en 1827, et le 22 mai, la représentation de la Dame blanche, où elle devait figurer dans le personnage d'Anna, fut troublée, dès les premières notes de l'ouverture, par un effroyable vacar- me. Le régisseur Mathelon, réclamé par des cris impérieux, se perdit en explications embarrassées qui ne firent que jeter de l'huile sur le feu. Plusieurs voix s'élevèrent pour exiger que Mlle Folleville renonçât à chanter les Philis, qui comportent plus de jeunesse. Mathelon s'éclipsa sans répondre, poursuivi par les huées. Alors on vit se dresser aux premières galeries un quidam, qu'on prit tout d'abord pour le commis- saire, qu'on somma de ceindre son écharpe, et qui se lança dans une longue harangue, terminée par cette déclaration : « Nous sommes tous Français ». Cette péroraison singulière révéla au public sa méprise. Mise en gaieté, la salle, comme si elle s'était concertée, reprit à l'unisson une phrase extraite de la pièce les Jolis Soldats : « Il est Français, nous sommes Français : l'affaire peut s'arranger », et tout se termina dans les éclats de rire (2). Mais le 25 mai, Mlle Folleville reparut dans l'opéra-comique de Méhul, Euphro- sine et Coradin, A un moment donné, s'adressant à Coradin, elle lui disait : « Je te forcerai bien à me trouver aimable ». Désireux de se faire pardonner sa conduite précédente, le public souligna ces mots de ses applaudissements. Malheureusement, un coup de sifflet intempestif vint neutraliser l'effet de cette manifestation flatteuse (1). Précurseur des i er et 2 décembre 1838, (2). Journal du Commerce du 25 mai 1827