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un éloge — il est certain qu'elle fut pour Soulary, son aîné de quinze ans, une parfaite
amie, prévenante, dévouée et fidèle. Elle l'admirait sans réserves, pieusement, comme
elle admirait Mistral. Et l'on voit, par les réponses de Soulary, que l'affection tendre de
la poétesse dauphinoise fut presque toujours exempte des petites jalousies, des petites
manières, des féminités auxquelles n'échappe guère une amitié de femme à homme,
même loyale comme l'était la sienne.
      Soulary, lui, montre au contraire, çà et là, ce brin de « coquetterie littéraire » que
Paul Chenavard raillait parfois gentiment, supputant par exemple le nombre de lettres
et de visites d'admiratrices que le jour de l'an prochain ferait affluer aux Gloriettes et
qui ne déplairaient point au maître du logis 4. Les attentions, les hommages, les éloges
discrets émouvaient profondément, bien qu'il s'efforçât de n'en rien laisser paraître,
le « tendre honteux » et le grand timide qu'était l'auteur des Rimes ironiques. Il était, de
 même, sensible à toute critique.
      Il appelle sa correspondante « chère bonne petite Fauvette », « chère et excellente
amie » ; elle est, lui écrit-il u n jour, son « affection d'automne ». Il signe toujours « votre
vieil ami ». Elle lui répond « cher poète ». Ils se virent assez rarement. Soulary paraît
s'être arrêté un jour à Valence ; Mlle Souchier l'alla voir deux ou trois fois aux Glo-
riettes, plus souvent, à Lyon, dans son cabinet de bibliothécaire. Pendant l'automne
de 1876, elle lui fit une visite à Rossillon, dans « sa maisonnette blanche et gentille ».
Ils semblent s'être écrit assez régulièrement, chaque quinzaine à peu près.
      Leurs deux fêtes, ou le renouvellement de l'année — quand ce n'était pas seule-
ment le plaisir de se faire plaisir — leur étaient toujours des occasions d'échanger,
avec des souhaits, quelque souvenir : vers 5, fleurs ou portraits, aquarelles dessins ou
peinture (car tous deux dessinaient et peignaient). Soulary expédie à Valence des
autographes de ses amis célèbres — Chenavard, Louisa Siéfert et autres — des cro-
quis d'Eugène Froment ; d'Alger, en 1889, un bracelet kabyle. Adèle Souchier lui
adresse de Valence une « pogne », un couple de colombes ; en 1876, un chien d'arrêt,
ce Fido II dont elle a écrit l'histoire.

                                                    M
     Soulary qui acheta, en 1854, l'ermitage des Gloriettes, allait déjà, à cette époque,
passer tous ses moments de liberté dans ce coin du Bugey où s'était écoulée sa première
enfance, où l'attiraient les solitudes silencieuses, les torrents, les sources, les vastes
horizons, « l'amère senteur des buis » et « l'air parfumé » de la montagne 6 . Le 29 no-

     4. Voir les lettres de Chenavard à Soulary (Musée Calvet, à Avignon).
     5. Soulary dédia à Mlle Adèle Souchier : un sonnet des Diables bleus ( Sur cette mer sournoise ...) et
deux poésies « Sur ma montagne », 16 mars 1870 (Poésies diverses) et « En tisonnant », décembre 1876 (les
Rimes ironiques). Voir Å’uvres, Lemerre, 1,256, II, 111, III, 356.
     6. C'est à la Burbanche — d'où sont datées un grand nombre de ses poésies — que Soulary mit en
nourrice, en 1842, son fils Jean-Baptiste Camille, mort à vingt mois ; c'était grâce à l'appui de M. Collet -
Meygret, propriétaire à la Burbanche, qu'il avait été nommé, en 1840, secrétaire particulier de M. Jayr,
préfet du Rhône.