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                                                 IIO
et, dans l'émotion qu'elle en ressentit, Mlle Folleville quitta la scène. Sur les rappels
pressants de l'auditoire, elle consentit à reparaître et à reprendre la suite de l'ouvrage.
Elle en était précisément restée à ces deux vers, particulièrement en situation dans la
circonstance :
                   « Quand je voulais rester, vous me vouliez chasser ;
                  Et vous me retenez quand je veux m'éloigner » (i).
      Cette fois, toute la salle éclata en applaudissements qui restèrent sous cette
contre-partie. Il était, assurément, impossible d'être plus galant et d'effacer d'un plus
joli geste le souvenir d'un instant d'écart et d'oubli.
      C'était encore un de ces témoignages de sympathie spontanée d'autant plus
précieux qu'ils étaient plus rares, que le parterre décernait, le 8 novembre 1831, à une
de ses artistes préférées, Mlle Julie Berthault, en ajoutant l'éloquent commentaire de
ses bravos à cette phrase que lui chantait le ténor Siran, dans le Dieu et la Bayadère
d'Auber : « Que j'aime cette voix si pure et si légère ! » (2).
      Il savait donc rentrer ses griffes et faire patte de velours à l'occasion ; mais, encore
une fois, il était avare de ses gentillesses, et de ces impulsions charmantes de sa sensi-
bilité, par lesquelles il cherchait à racheter ses méfaits coutumiers, on ne relève que
des exemples trop clairsemés dans les annales de notre Grand-Théâtre.


                                                 El

      Il n'était, au surplus, pas toujours d'accord avec lui-même dans ces démonstra-
tions en sens divers, tantôt en faveur, tantôt, et le plus souvent, à l'encontre d'un
artiste. Il advenait que la salle se partageât en deux camps, également acharnés à faire
prévaloir leur avis, et ces conflits entre partis opposés dégénéraient facilement en
cabales et en luttes, sinon même en corps à corps.
      Au temps de la direction Singier, dont j'ai déjà parlé, Mlle Folleville avait ses
champions convaincus, et Mlle Goossens, sa rivale, avait également les siens ; si bien
que chacune d'elles, au cours d'une même représentation, était alternativement ap-
plaudie par ceux qui avaient épousé sa cause et sifflée par ceux qui la combattaient.
      En 1827, tétait pour et contre deux danseuses, Mlles Nique et Lebreton, que se
divisait le parterre, et un soir du 2 janvier où Mlle Nique se produisit, pour la premiè-
re fois, dans la Fille Soldat, un ballet dont le principal personnage avait été, jusqu'alors
le monopole de Mlle Lebreton, elle fut saluée, dès son apparition, par de vigoureux
sifflets, auxquels répondirent aussitôt de non moins vigoureux applaudissements.
« Des injures on passa aux coups et la pièce s'acheva au milieu des pugilats » (3).


    (1). Journal du Commerce du 30 mai 1827
    (2). Glaneuse du 10 novembre 1831.
    (3). Journal du Commerce du 4 janvier 1827