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vembre 1873, il confie à Mlle Souchier son rêve de quitter Lyon et d'avoir là une
« Thébaïde » où il vivrait heureux et atteindrait sûrement « l'âge d'une belle-mère ou
d'un corbeau ». Il vient justement, raconte-t-il, d'y devenir propriétaire. Pour ne point
perdre une somme qu'il avait prêtée, il a dû, récemment, acquérir, à Rossillon, une
petite maison qui lui a coûté 2.000 francs. Dès le début de l'année suivante, il se plaint
du pitoyable délabrement de sa « chaumière ». Les réparations à faire d'urgence vont
doubler le prix d'achat.
      Ardent chasseur et même, quoiqu'il en ait dit 7, assez bon fusil, Soulary eut long-
temps, comme collaborateur, un braque du nom de Fido. Ce Fido — Fido I er — était
déjà fort âgé en 1871. Les ans l'avaient rendu sourd et presque aveugle et Soulary se
plaignait d'être obligé de se lever, « vingt fois par heure », pour ouvrir à la pauvre bête la
porte de son cabinet qui menait au jardin. Mlle Souchier avait chanté ce vieux servi-
teur dans la Revue du Lyonnais 8 , et, pour l'en remercier, Soulary lui avait offert un
portrait à l'huile de Fido, portrait qu'il avait commandé pour elle au peintre Castex-
Desgranges et que celui-ci termina au début de 1872.
      Adèle Souchier eut alors l'idée de trouver au vieux Fido un remplaçant et elle se
procura, par des amis, un jeune chien, un braque encore, qui fut appelé Fido IL Né
dans une maison de campagne de la banlieue de Valence, au quartier des Faventines,
Fido II, fils de Diane, devait chasser de race. Quand il eut trois mois, Mlle Souchier,
qui avait peint à l'huile son portrait, l'expédia, en février 1876, aux Gloriettes. Les
débuts de Fido II, en octobre, enchantèrent Soulary; il « quête bellement et arrête
suffisammenj », écrit-il, après ses premiers essais. Mais Fido II, chasseur émérite,
était un animal indocile et un incorrigible vagabond ; quoiqu'on fît, il s'échappait
sans cesse des Gloriettes pour courir Lyon, où Soulary s'attendait toujours à le ren-
contrer à quelque coin de rue.
     Après treize ans de bons services et d'escapades, Fido II mourut, aux Gloriettes,
le 30 juin 1888. Soulary venait de perdre son autre chien, « Moka », une bête blanche

   7. Voir notamment le sonnet « En chasse !» des Sonnets humouristiaues :
                      En chasse ! Alloh ! Alloh !, me dit mon chien qui gronde,
                      Mais les sombres fourrés ont de si doux secrets !

                       J'ai pris part aux ébats d'un lézard en maraude ;
                       J'ai suivi dans les airs le vol d'une Emeraude,
                       Ebauché cette mare, avec un saule au bord ;
                        Bu dans un pli de feuille, une goutte qui perle,
                        Sifflé les airs du geai, de la grive ou du merle ;
                        Mon fusil s'est perdu sous l'herbe et mon chien dort.
               ou cet autre, de la Chasse au badinage:
                        Dans la Bresse au sol gris coupé d'étangs limpides,
                        Saint Hubert a souvent ri de me voir chasser ;
                        Car le râle me nargue en ses crochets rapides,
                       Et le lièvre, bien coi, me regarde passer.

   8. « A Fido, le chien aveugle de Soulary » (Revue du Lyonnais, 187a, 1,7).