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NOUVELLE DAUPHINOISE. 217 la pauvre Jeanne ; il me semble que non. Ah! Dieu! que de sang va être versé !... Quel affreux bouleversement ! Et p u i s , dites-moi, quelle triste manière de tenir les pro- messes que l'on nous avait faites, avant... Comment ap- pelles-tu ça, Julien ? — Avant le plébiscite, ma mère. — Oui, on nous parlait de paix!... Je n'aime pas un ( gouvernement qui trompe... — Ta, ta, ta, tu te lances dans la politique, femme ! Au fait, tu as raison : un souverain doit avoir de la loyauté... Mais laissons cela — et vive la France ! Qu'elle soit vic- torieuse dans cette guerre !... Alors, je mourrai content. — Julien répète-moi que mes pressentiments ne se réa- liseront pas, disait Jeanne ; n'est-ce pas qu'il y aura suffi- samment de soldats pour qu'on ne vienne pas t'enlever, cher enfant!.. — Oh! l'armée est assez nombreuse; on n'enrôlera point ces moutards ; — quoique Julien soit un fier luron déjà , s'écria le père. V Je ne dirai point par quelles alternatives d'espérances, de déceptions, de craintes terribles, nous passâmes à cette malheureuse époque tout enfiévrée de la guerre de 1870. Je n'aurais pas le courage dé compter, une à une, toutes nos premières blessures, blessures faites à notre orgueil français, à notre patriotisme, à notre amour profond pour cette belle France trahie, qui nous devenait plus chère encore, comme une mère affligée, que l'on aurait voulu sauver avec la dernière goutte de son sang ! Heureux ceux qui sont morts pour elle ! La France tressaille encore à leurs noms ! Dans notre dénûment imprévu, nous manquions de sol- dats, de munitions, de tout! Mais, quoi qu'on en ait dit, il y avait encore bien des courages, de ces courages français qui ne peuvent s'éteindre, de ces courages dau- phinois aussi, qui ne peuvent mentir à leur race.