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                                SOS
  pour leur bouche. Ajoutez la teinte de galanterie que nos
  tragiques du dix-septième siècle ont répandue sur la plu-
  part de leurs personnages, et qui est comme un reflet de
  Versailles. De là inévitablement cette manière grandiose,
  solennelle, mais un peu froide et monotone, qui est par-
  ticulière à la passion tragique, et que l'admirable diction
  de mademoiselle Rachel a pu simplifier sans la corriger
 entièrement.
     Notre sociabilité moderne ayant fait, au contraire, une
 part très large, absorbante presque, à la vie intime et
  domestique, le théâtre, pour être l'expression fidèle des
  mœurs et des passions nouvelles, a dû pénétrer au cœur du
  foyer, source des plus vives manifestations morales; il a dû
  sonder les replis les plus cachés de l'individualité humaine,
  et nous en traduire les accidents les plus divers. Aussi le
  théâtre est-il devenu la représentation familière, variée,
  complexe de la vie individuelle dans tous ses jeux, tous ses
 reflets, et ses mille nuances contrastées. Dès-lors, nous
 avons vu penser, parler, agir l'homme non-seulement
 dans sa donnée générale et philosophique, mais encore
 suivant ses modes particuliers d'être, par rapport à son
 temps, à son pays, à sa condition. De nouveaux éléments
 de vérité, tels que la réalité historique, la couleur locale,
 la liberté de l'action, la mobilité de la scène, sont entrés
 dans la matière constitutive du théâtre. Les hommes de
 toute classe, désormais émancipés moralement, sont devenus
 non-seulement des sujets légitimes, mais souvent même
 des personnages essentiels du drame. Mais c'est surtout la
femme qui, dans cette transformation du théâtre, a con-
 quis toutes les franchises qu'elle était loin de posséder
sous l'ancienne forme. Le drame moderne est venu q u i ,
mettant à nu les fibres les plus secrètes du cœur, a montré
la femme telle que l'ont faite nos civilisations, plus libre,
plus digne, mieux placée à son rang véritable, mais par
cela même plus en proie aux passions et plus autorisée à
la plainte, à l'expression des angoisses de l'ame. La femme
(et la plus humble bourgeoise comme la reine la plus
haute) a pu désormais épancher simplement, naïvement
tout ce qu'elle avait dans le cœur de passion enfouie, de
douleur amassée. Grâce à la forme plus brisée du vers,
ou même à une prose vive et courante, l'amante trahie,