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 l'épouse délaissée ont pu laisser échapper plus librement
 tous ces eris intérieurs qui les oppressent, une issue plus
 abondante a été donnée au vaste réservoir des larmes, des
 sanglots et des soupirs.
    O r , c'est madame Dorval qui a été, sans contredit,
 l'interprète le plus naturel, le plus vrai, le plus admirable
 et le plus fidèle de la femme , telle que l'a réalisée le drame
 moderne. S'il est vrai que mademoiselle Racbel ait ranimé
 de son jeune souffle les cendres d e l à vieille tragédie, on
 peut aussi dire que, depuis longues années déjà, madame
 Dorval porte dans un pli de sa robe froissée toute la for-
 tune du drame : et ce sont deux femmes, par conséquent,
 qui président aujourd'hui à la destinée de nos deux formes
 dramatiques. Madame Dorval a mis au service du drame,
 elle a employé pour son salut des facultés tout autres, mais
 non moins éminentes, et de plus grands efforts peut-être
 que ceux de sa jeune collègue en faveur de la tragédie.
 11 est peu des notables essais de l'école moderne qui se soient
 passés du secours de Madame Dorval, et le romantisme
lui doit, à coup sûr, ses meilleures victoires, ses succès
les plus éclatants. On sait comment l'actrice a soutenu de
son inépuisable passion et de son exquise sensibilité toutes
ces créations hardies, parfois éloquentes, mais aussi trop
souvent aventureuses, sans frein, sans mesure, qu'elle a
dirigées à son gré, et sauvées de bien des écueils. Du reste,
madame Dorval et le drame romantique étaient faits, on
ne peut mieux, pour se comprendre l'un l'autre; leurs
natures devaient s'attirer sans effort, par le lien d'une
secrète sympathie. Ce sont des deux parts, en effet, dans
l'œuvre créée et dans l'iuterprétation, même manière im-
prévue , brusque , rapide, heurtée , tout comme aussi même
naïve impression, même pathétique effet, même négli-
gence étudiée et non exempte d'exagération ; pour tout
dire en un mot, c'est la double réalisation de l'indépen-
dance et de la variété, avec leurs vices et leurs qualités,
leurs inconvénients et leurs prérogatives.
    Madame Dorval, avec un singulier et irrésistible en-
chantement, nous transporte dans le monde orageux et
troublé des sentiments modernes. Par elle nous sommes
profondément initiés aux souffrances de toutes ces héroïnes
infortunées qu'un secret amour consume, ou dont la tête