page suivante »
309 l'épouse délaissée ont pu laisser échapper plus librement tous ces eris intérieurs qui les oppressent, une issue plus abondante a été donnée au vaste réservoir des larmes, des sanglots et des soupirs. O r , c'est madame Dorval qui a été, sans contredit, l'interprète le plus naturel, le plus vrai, le plus admirable et le plus fidèle de la femme , telle que l'a réalisée le drame moderne. S'il est vrai que mademoiselle Racbel ait ranimé de son jeune souffle les cendres d e l à vieille tragédie, on peut aussi dire que, depuis longues années déjà , madame Dorval porte dans un pli de sa robe froissée toute la for- tune du drame : et ce sont deux femmes, par conséquent, qui président aujourd'hui à la destinée de nos deux formes dramatiques. Madame Dorval a mis au service du drame, elle a employé pour son salut des facultés tout autres, mais non moins éminentes, et de plus grands efforts peut-être que ceux de sa jeune collègue en faveur de la tragédie. 11 est peu des notables essais de l'école moderne qui se soient passés du secours de Madame Dorval, et le romantisme lui doit, à coup sûr, ses meilleures victoires, ses succès les plus éclatants. On sait comment l'actrice a soutenu de son inépuisable passion et de son exquise sensibilité toutes ces créations hardies, parfois éloquentes, mais aussi trop souvent aventureuses, sans frein, sans mesure, qu'elle a dirigées à son gré, et sauvées de bien des écueils. Du reste, madame Dorval et le drame romantique étaient faits, on ne peut mieux, pour se comprendre l'un l'autre; leurs natures devaient s'attirer sans effort, par le lien d'une secrète sympathie. Ce sont des deux parts, en effet, dans l'œuvre créée et dans l'iuterprétation, même manière im- prévue , brusque , rapide, heurtée , tout comme aussi même naïve impression, même pathétique effet, même négli- gence étudiée et non exempte d'exagération ; pour tout dire en un mot, c'est la double réalisation de l'indépen- dance et de la variété, avec leurs vices et leurs qualités, leurs inconvénients et leurs prérogatives. Madame Dorval, avec un singulier et irrésistible en- chantement, nous transporte dans le monde orageux et troublé des sentiments modernes. Par elle nous sommes profondément initiés aux souffrances de toutes ces héroïnes infortunées qu'un secret amour consume, ou dont la tête