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448                   LA R E V U E LYONNAISE
par M. Paul de la Boulaye, on suppose immédiatement que les
fidèles •viennent d'entendre quelque prédicateur trop sérieux. Com-
ment expliquer autrement ces figures endormies ? Peut-être M. de
la Boulaye a-t-il voulu exprimer le sentiment religieux ; il a man-
qué son but. Les personnages sont assez bien groupés, mais l'en-
semble est terne et monotone ; il y a comme un nuage d'ennui sur
cette toile.
    Le portrait de Mme L... est d'une couleur beaucoup meilleure;
par malheur la tête est précisément ce qui ressort le moins. La robe
 est traitée avec une certaine habileté, qui fait regretter que M. de
la Boulaye ait absolument négligé la draperie du fond.
    M, P. DE CHAVANNES. — Le tableau de M. Puvis de Ghavannes,
Le pauvre pêcheur, est certainement une des choses les plus re -
gardées, sinon les plus louées du Salon. On le discute beaucoup, ce
qui est déjà un honneur auquel ne saurait rester insensible l'artiste
 consciencieux et chercheur.
    L'impression qu'on éprouve devant le pauvre pêcheur n'est
pas facile à analyser. Le premier mouvement n'est pas l'admira-
 tion ; mais l'œuvre arrive, quoi qu'on en ait, à séduire, à
 captiver. Il y a du sentiment, il y a même de la poésie chez ce
pauvre diable debout dans sa barque, contemplant d'un Å“il morne
et résigné son filet, avant de le tirer de l'eau . On sent qu'il est trop
habitué à la mauvaise chance pour qu'une déception nouvelle puisse
le surprendre. Sur la plage sa femme cueille quelques fleurs
sauvages qui poussent comme elles peuvent dans ce sol aride et
desséché. Un enfant dort à côté, un enfant glauque qui, comme on le
disait près de moi, paraît avoir séjourné quinze jours dans l'eau.
    Il y a dans cette œuvre des qualités de dessin et de composition
réellement exceptionnelles, une note émue et mélancolique, une
grande unité de lignes. L'œil n'est distrait par rien, tout nous
ramène à la pensée de l'artiste. C'est véritablement un poème do
lumière. On peut critiquer, on peut même sourire, mais on finit par
être touché. Les tons clairs et unis, presque pâles, sont accusés par
le voisinage des autres tableaux. Pour bien juger Le pauvre
pêcheur, il faudrait le voir sans être distrait par rien. Cette con -
dition irréalisable pour le visiteur du Salon a valu à M. Puvis de
Chavannes des jugements sévères, souvent injustes. On l'a dure-