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               UNE MYSTIFICATION                 SCIENTIFIQUE                      51
la vie », non seulement ce mot n'est pas sanscrit, mais aucun mot
simple du sanscrit ne saurait exprimer l'idée complexe qu'exprime
la prétendue traduction de M. Jacolliot.
   La légende de Christna peut-être appréciée d'une manière plus
 expéditive encore, du moins eu égard à l'interprétation compara-
tive qu'en donne avec tant d'assurance notre téméraire exégète 1 .
   Il résume, en effet, les prétendus rapprochements linguistiques
 sur lesquels il fonde ses conclusions dans les trois assertions sui-
vantes {Les Fils de Dieu, p. 356) : « zeus en sanscrit signifie
Dieu ; yezeus en sanscrit signifie issu de Dieu, fils de Dieu. Et.
Christna ou Khristna, dans la même langue, signifie sacré. »
   Or, il n'y a pas de mot zeus en sanscrit qui signifie Dieu.
   Il n'y a pas davantage de mot sanscrit yezeus qui signifie fils de
Dieu, ni quoique ce soit d'autre.
   Et pour Krishna, en tant qu'adjectif il signifie noir, et nulle-
ment sacré. A cela près, M. Jacolliot est dans le vrai.
   Nous pouvons, je crois, nous en tenir là. Aussi bien, les deux l é -
gendes dont il vient d'être question forment la partie essentielle
des cinq ou six volumes de M. Jacolliot sur l'Inde ancienne. On
peut dire que c'est surtout à cause d'elles qu'ils ont vu le jour et
qu'ils ont eu tant de succès.
   A cet égard du moins leur auteur ne s'est pas trompé. Il a su
piquer la curiosité du public, et c'est un art qui suffit, à défaut de
science, de style et de logique, à faire vendre les livres.
   Dieu sait cependant s'il en a pris à son aise avec ce bon public !
avec quel sans-gêne il l'a traité, et quel dédain il a laissé voir
pour son intelligence et son jugement! Un exemple ou deux le
feront voir. — C'est par là que je terminerai.
   Se révoltant (p. 31 des Fils de Dieu) contre les critiques qui
ont osé prétendre que l'idée de la Trinité ne se trouvait pas dans
les Lois de Manou, M. Jacolliot apporte triomphalement comme
preuve de ses précédentes assertions le passage suivant de ce livre


  1 II n'est pas impossible qu'il y ait eu quelque influence de la légende de Krishna
sur celles qui concernent les origines chrétiennes ou réciproquement, mais il faudrait
avant tout établir le rapport chronologique de la première vis-à vis des secondes. En
tout cas pour résoudre la question, à supposer qu"on le puisse, il faut employer une
autre méthode que celle dont s'est servi M. Jacolliot.