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        LES A R T I S T E S LYONNAIS AU SALON DE 1881             443
Ces heureux de la dernière heure doivent confesser que leurs toiles
sont au Salon moins pour leur mérite que pour occuper une place
restée vacante.
   On se demande aussi quel parti le jury prendra le jour où un
hasard heureux lui apporterait plus de deux mille cinq cents toiles
absolument dignes d'être reçues. Obéirait-il au règlement, ou bien
oserait-il le violer? souhaitons que l'avenir soulève bientôt cette
difficulté.
   N'insistons pas plus qu'il ne convient sur ces remarques. Nous
sommes trop heureux aujourd'hui de nous retrouver au Salon et
non plus dans une de ces halles à la peinture des temps der-
niers où les morceaux de valeur enduraient de singulières pro-
miscuités, et où l'on trouvait tout excepté le respect et le souci de
l'art.
   Dans le portrait, dans le paysage, dans les tableaux de genre,
dans la nature morte, les artistes lyonnais ont envoyé au Salon plu-
sieurs ouvrages véritablement remarquables. Décider si le portrait
l'emporte sur le paysage, ou le tableau de genre sur la nature
morte est chose difficile. Cependant, après plusieurs visites à l'ex-
position des Champs-Elysées, je serais tenté de donner la palme
aux paysagistes. Au surplus cette supériorité est conforme aux ten-
dances et à la réputation de l'école lyonnaise.
   M. HÉBERT.— Arrêtons-nous d'abord devant le portrait de
MmadeD... par M. Hébert. Une jeune femme en noir, représentée
à mi-corps, est assise dans une attitude pleine d'abandon et de
vérité. Admirez le charme et le pénétrant du regard, la grâce irré-
sistible de la physionomie, la finesse, la diaphanéité de la car-
nation. Ne voit-on pas le sang courir sous cette peau jeune et
fraîche? Comme le vêtement est traité avec soin et sobriété tout à
la fois, comme cette mousseline du col et des manches est trans-
parente, comme est légère et souple cette écharpe de dentelle !
Quel coloris ! quel relief et quelle douceur !
   Sous le titre de Sainte Agnès, M. Hébert nous donne encore un
tableau du meilleur effet. Peut-être le visage de la sainte est-il un
peu moderne, un peu parisien même ; mais il est si joli, si touchant,
si plein de grâce et de chasteté, et il a "le cachet religieux autant
qu'il est possible de l'avoir dans un temps où ceux qui devraient