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VICTOR HUGO i L'APOTHÉOSE D'UN VIVANT Les apothéoses sont de tous les temps et de tous les pays. Les rois d'Egypte et d'Assyrie, les despotes de la Perse et de l'Inde, les empereurs de la Chine et du Japon, les Incas du Mexique, les principicules africains, se sont toujours laissé adorer à deux genoux comme des fétiches. L'antiquité gréco-latine usa et abusa du pro- cédé : César, Auguste et plus d'un de leurs successeurs se virent ouvrir à deux battants les portes de l'Olympe. Jusque dans les temps modernes, le duc de laFeuillade faisait fumer des encensoirs devant la statue de Louis XIV, son noble maître, et d'ailleurs il n'est pas besoin (on le sait de reste) d'être issu de souche royale pour conquérir, même à présent, les génuflexions de la multitude. L'idolâtrie, ce culte primitif des tribus sauvages, revêt chez les peuples soi-disant civilisés les formes les plus raffinées et les plus subtiles. Ces hommages d'admiration et de gratitude, souvent extorqués parla puissance, ont été parfois (quoique cela soit plus rare) accor- dés au courage, à la vertu ou au génie. Seulement, en pareil cas, la déification se réduisait aux proportions, déjà plus modestes, d'un triomphe. Tel était celui qu'obtenaient à Rome les généraux vain- queurs, les sauveurs de la patrie. C'est ainsi également que Pétrarque fut couronné de lauriers auCapitole, que le Tasse faillit JUIN L881 - T. I. 21