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MADAME DE MAINTENON 373 lle promet la main de M d'Aubusson. Elle insiste pour qu'il ac- cepte ; mais Samuel, voyant dans sa mort le seul moyen de se jus- tifier devant ses amis qui le soupçonnent d'être un traître, déchire le papier revêtu du sceau du roi et se joint à ceux qui vont mou- rir. Mmo de Maintenonsera reine et doit un cierge de belle grandeur à qui se défend de la sorte d'avoir vendu les siens. Tel est ce drame qui laisse l'auditoire indécis et partant un peu froid. Le spectateur est d'une nature souple, il veut être dirigé; il faut que l'auteur prenne parti et montre, à ses risques et périls, la voie où il veut qu'on le suive. Plus le point où il veut arriver paraît difficile à atteindre, plus son succès sera grand s'il a su convaincre ceux qui l'écoutent. M. Goppée n'a pas eu la hardiesse de tenter l'aventure. Ses tableaux sont généralement exacts, mais n'excitent pas l'intérêt. Les caractères ne sont pas très heureusement conçus et répon- dent mal à l'idée de grandeur qu'on se fait de l'époque et du milieu. Je ne suis certes pas un partisan convaincu de Françoise d'Aubigné, mais je regrette cependant que M. Goppée nous l'ait peinte sous un aspect si vulgaire. Mme de Maintenon paraît dans cette pièce plus vindicative qu'ambitieuse. En désirant le trône de France elle veut surtout écraser de son triomphe celles qui jadis l'ont connue humble et pauvre. Elle ne nourrit aucun dessein gé- néreux ; elle n'a pas l'amour vrai d'une laVallière, le sentiment de la dignité royale d'une Agnès Sorel ou d'une duchesse de Château- roux. En l'écoutant confier à sa vieille Nanon la crainte où elle est de voir s'évanouir son rêve doré, on pense, malgré soi, à ces intri- gantes vulgaires, cherchant à faire une fin, à ne point laisser échap- per un parti avantageux. On souhaiterait quelque chose de plus élevé, de plus noble dans les motifs qui la poussent. Mais non, les avantages matériels, voilà ce dont elle parle sans cesse. Mme de Maintenon cependant n'est pas une parvenue. Les malheurs de sa famille ont pu la laisser pauvre, mais le rang et la fortune ne devraient pas éblouir Françoise d'Aubigné qui ne fait que retrouver ce qu'elle n'aurait jamais dû perdre. Une fille de l'arïstocratie porte la pauvreté avec plus de constance et la fortune avec moins d'étonnement. M. Coppée, que je sache, n'a pas indiqué cela ; il n'a pas tiré